Bandeau : vers 1908, intersection des avenues de La Maréchale (en face) et Saint-Pierre (au premier plan)

 

La maréchale Mortier

Duchesse de Trévise (1799 - 1855)

 

 

Fin 18e siècle, Edouard Adolphe Casimir Mortier, militaire de carrière dans l'armée napoléonienne, est chef de brigade, commandant le 23e Régiment de cavalerie. En mai 1798,  ayant reçu l'assurance de rester sur le continent, rassuré sur son avenir et... sur sa solde, il pense à se marier (Il a alors 30 ans). 

Le 21 janvier 1799, il obtient une permission de quatre "décades" (soit 40 jours) pour le Cateau (canton du Nord)  sa ville natale. Il se rend, toutefois, d'abord à Coblentz (ville allemande située entre Cologne et Francfort) pour y épouser, le 25 janvier 1799,  Anne Eve Hymmès alors agée de 20 ans... comme il le désirait et l'avait pressenti depuis longtemps !

 

Acte de mariage Edouard Mortier- Anne-Eve Hymmès 1er Vendémiaire de l'An 7 (25 janvier 1799)

 

Mortier, fidèle de Napoléon est alors engagé sur les champs de bataille et il le sera encore pendant une dizaine d’années. Couronné de succès, il sera nommé Maréchal d’empire en 1804 puis recevra le titre de Duc de Trévise le 2 juillet 1808. Nous pouvons sans peine imaginer l’état d’esprit de notre jeune mariée qui devait supporter, avec patience, les bien longues absences de son époux, se demandant chaque jour s'il reviendrait sain et sauf. 

 

Eve Anne Hymnès (Archives privées)

Cultivée, distinguée, la Maréchale Mortier est reçue avec empressement à la Cour. Elle aura ainsi l’honneur de porter l’un des coins du manteau de Napoléon-Louis (fils du prince Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais) lors de son baptême par le pape Pie VII le 24 mars 1805. Les maréchales Bernadotte, Bessières et Davout portent les autres coins. L’empereur est le parrain.

 

« Le grand Maitre des cérémonies a l’honneur de prévenir Madame La Maréchale Mortier que S.M. l’a désignée pour porter l’un des coins du manteau de l’enfant dans la cérémonie du baptême du prince Napoléon-Louis. Elle est en conséquence invitée à se trouver dans le salon bleu de l’impératrice à Saint-Cloud, dimanche à 4 heures précises. On sera en habit de cour. » 

(Source : Le maréchal Mortier, duc de Trévise, par son petit neveu le colonel Frignet Despréaux - T3 1804-1807 - Editeurs Berger-Levault)

 

En 1807, Mme la maréchale reçoit un collier du syndic de Hambourg en remerciement du comportement et des actions effectuées par le maréchal qui ne voulait recevoir aucun cadeau. La lettre précise : 

 

« Désirant qu'il lui soit permis de témoigner les sentiments que M. le maréchal lui a inspirés, le Sénat vous prie, Madame, d'en agréer la faible marque qu'il vous offre. En voyant ce collier, il vous rappellera que votre époux, au milieu de la guerre, conserve toujours ces sentiments doux et bienveillants qui l'ont rendu digne de votre tendresse et vous fera souvenir que, loin de vous, un grand nombre de familles joignent leurs voeux à ceux que vous faites pour la conservation et pour la prospérité de votre époux… Ayant eu le bonheur de recevoir beaucoup de marques de confiance et de bienveillance de M. le maréchal, je me trouve heureux, Madame, d'être auprès de vous l'interprète des sentiments du Sénat et je vous prie de croire qu'aucun de ses membres n'en est plus vivement pénétré que moi… »

(Source : Le maréchal Mortier, duc de Trévise, par son petit neveu le colonel Frignet Despréaux - T3 1804-1807 - Editeurs Berger-Levault)

 

Archives privées - La maréchale rejoint son mari à Breslau (Silésie)

 

Le 31 juillet 1807, le maréchal Mortier remplace, dans le commandement du corps d’armée français stationné en Silésie, le prince Jérôme que Napoléon rappelait auprès de lui.

En mars 1808, il fait venir de Paris sa femme et ses quatre enfants dont le plus jeune avait à peine 2 ans (ce dernier ne figure pas sur le tableau).

En 1812, Le maréchal Mortier devient le nouveau propriétaire du Château de La lande (alors situé sur la commune de Villiers-sur-Marne). La propriété est immense et s’étend jusqu’aux terres du Plessis-Saint-Antoine, et des Bordes, ce qui correspond peu ou prou à l’étendue de notre commune actuelle. Le domaine est alors réparti au nord sur la commune de Villiers-sur-Marne, au sud sur la commune de la Queue-en-Brie et à l’ouest sur Chennevières-sur-Marne.

 

Plan du domaine Mortier daté environ 1815 - Propriété de la ville du Plessis-Trévise

 

Le couple Mortier entretient de bonnes relations avec un autre Maréchal napoléonien, le maréchal Lefèvre, qui fut un temps son supérieur.

Depuis quelques années, ce dernier est propriétaire du Château de Combault situé à quelques kilomètres de La Lande (actuelle Mairie de Pontault-Combault).  Est-ce sur ses recommandations que le maréchal Mortier à acquis le Domaine de la Lande ? 

 

 

Le Maréchal se retire de ses activités militaires et s’investit alors dans la vie locale. De son enfance, il a gardé le goût de l’agriculture et veille à mettre en valeur son domaine.
Le 24 février 1816, il écrit:

«II fait un temps superbe et j'en profite pour mes Mars, non pour ce dieu qui m'occupa jadis, mais bien pour sa cousine Cérès, car il est bon de vous dire qu'ayant repris ma ferme, je suis devenu tout à fait agriculteur. Beaucoup de personnes prétendent que la dépense excédera la recette. J'essaierai. Le temps m'apprendra si j 'ai tort ou raison ». 

 

Il devient Maire de la Queue en Brie de 1822 à 1830.

 

Dès son arrivée au Château de La Lande, La Maréchale remporte tous les suffrages par sa simplicité et sa douceur. Nous trouvons trace d'importants dons envers les indigents et les malades de la commune de Villiers-sur-Marne dont dépendait alors le Château de La Lande. 

 

Archives privées

 

 

 

 

 

La Maréchale Mortier donnera naissance à 7 enfants : 

 - Caroline-Anne (née en1800)

 - Sophie Malvina Joséphine ( née en1803) 

 - Napoléon (né en1804) 

 - Edouard Adolphe Casimir (né en 1806 décédé à l'âge de 9 ans) 

 - Louise (née en1811)

 - Eve Sophie Stéphanie (née en 1814) 

 - Edouard (1816 mort en bas âge) 

 

 

 Au Plessis-La-Lande, le Maréchal vieillisait doucement. Il se tenait toujours droit, faisait valoir ses terres, gérait sa fortune et plaçait ses enfants. En 1819, il avait marié sa fille Caroline au Marquis de Rumigny en l'église de Villiers-sur-Marne. En septembre 1825 son fils ainé épousait Melle Le Comte. L'une et l'autre donneront aux époux Mortier de nombreux petits-enfants qui faisaient leur bonheur. 

 

Le 28 juillet 1835, dans un élan de patriotisme, bien que souffrant et fatigué (il a 67 ans) le Maréchal Mortier se porte volontaire pour accompagner le Roi Louis-Philippe aux commémorations du 5e anniversaire de la Révolution des Trois Glorieuses. 

Comme il en a l'habitude, il part du Château de Lande sur son fidèle cheval 'La Perle" pour gagner Paris.

Mais tout ne se passa pas comme prévu, l’anarchiste Fieschi ayant fomanté un attentat contre le Roi. Une vingtaine de personnes du cortège royal sont blessées ou tuées. Le Maréchal est atteint en pleine tête et décède quelques instants plus tard. Il aura des obsèques nationales.

La maréchale lui survivra 20 ans continuant de vivre au château de La Lande, entourée de sa famille et de ses amis. Les écrits dont nous disposons la décrive comme une personne attachante et pleine de tendresse pour les siens.

 

Petit mystère : nous n'avons pas trouvé confirmation de la légende populaire selon laquelle le nom de l'avenue de la Maréchale serait lié au fait que cette voie était empruntée par la calèche des deux maréchales Mortier et Lefèbvre pour ce rendre visite ? ... bien qu'une allée forestière partant de l'Ile Caroline et rejoingnant Combault existait et semblait un chemin logique pour rejoindre le château de Combault depuis La Lande.

Sur les plans antérieurs à 1857, la portion de chemin entre l'actuel château des Tourelles et l'avenue Saint-Pierre n'existe pas. Toutefois, en 1857, sur les plans de Lotissement du ténor Roger, l'allée de La Maréchale y figure, ce qui est d'ailleurs attesté dans l'acte de donations des voies par Gonzalve en 1863 (cette fois avec le nom de Avenue de la Maréchale). Ce qui nous laisse à penser que la portion de chemin manquante aurait été créée au temps des Mortier. 

Sans document l'attestant, nous ne pouvons certifier que la dénomination de ce chemin serait lié au fait que les deux Maréchales empruntait ce trajet. Et par ailleurs, pourquoi Avenue de la Maréchale puisque elles étaient deux ?  

 

Témoignages de Nancy de Trévise petite fille de la maréchale Mortier.

Source : "Mémoires de Nancy de Trévise, Marquise de Latour-Maubourg" 

 

Dans ces mémoires, elle évoque les souvenirs de ses grands-parents (elle a 5 ans quand le Maréchal est tué) et restitue les décors et l'ambiance régnant au château de La Lande entre 1830 et 1855. 

Archives privées

« Tous les ans, au moins une fois à la fin du mois de juillet, nous allions à La Lande passer quelques jours pour ne pas laisser ma grand-mère seule au triste anniversaire du 27 juillet et si, dans le courant de l’année, maman faisait une absence sans nous, la bonne grand-mère prenait enfants, bonnes et nourrice et c’était une joie dont les autres doivent se rappeler comme moi… »

 

« Dès que la voiture approchait, la porte à œils-de-bœuf s’ouvrait, et la bonne grand-maman était toujours là, étendant ses deux bras pour recevoir les petits-enfants, embrasser les grands et les petits et souhaiter une bienvenue qui brillait sur toute sa belle et bonne figure ... »

 

« Nous allions chez grand-maman lui demander nos cerceaux ; nous ne la trouvions pas dans sa chambre, et nous courions au salon et elle était là dans un coin entre la fenêtre et la cheminée faisant une patience, le bas à moitié tricoté pour le dernier petit-fils posé sur la table à côté des cartes. Grand-maman laissait tout, se levait et furetait avec ses « petits trésors » dans les meubles du premier salon pour trouver nos balles, nos pelles, nos petits paniers et nos bâtons de cerceaux ; elle descendait et nous décrochait nos cerceaux dans le vestibule puis, escortés de Lutzchen ou d’une bonne, nous sortions dans le petit parc.. »

 

 

« Le piano était vieux, de forme carrée, d’un nombre d’octaves très restreint, mais tel qu’il était je préférais sa voix chevrotante au son moelleux de bien d’autres parce qu’il faisait partie de La Lande. La musique de grand-maman était encore là, du chant en allemand et en français, des romances copiées à la main dans un gros livre relié en vert clair et signées du nom de jeune fille de la maréchale Mortier, duchesse de Trévise : Eva Hymmès (née à Coblenz le 19 août 1779. Elle a épousé le maréchal Mortier le 15 janvier 1799). Une fois ou deux, grand-maman a joué devant moi des fragments de valses de son temps, et elle a quelquefois dansé des rondes avec nous...»

 

« La Lande, c’était une belle et riche installation, une vraie maison de bonne grand-mère, on s’y sentait heureuse et à l’aise.  Grand-maman se levait de bonne heure et faisait une tournée de maîtresse de maison avant de s’habiller pour le déjeuner. Elle venait dans nos chambres coiffée d’un joli bonnet de nuit tout rond à larges tuyaux garnis de dentelle et nous embrassait dans nos lits en disant : « Tu as l’étrenne de ma barbe » et, en effet, sa belle et bonne figure sentait l’eau de lavande de ses ablutions ; puis, elle allait au potager, à la cuisine, à la lingerie, donnant ses ordres et veillant elle-même à leur exécution et, bien qu’elle ait presque toujours eu des dames de compagnie, elle n’a jamais abdiqué entre leurs mains et ni Mademoiselle Gassie, ni Madame Jorel n’ont eu le commandement...»

 

« Grand-maman envoyait Charpentier acheter du pain d’épices pour nous à la foire de Chelles, et laissait entrer au château pour notre amusement, une vieille colporteuse qui s’appelait Colette. Nous lui achetions des sucres d’orge et des couteaux à six sous dits Eustaches, et la femme de chambre de grand-maman « Piéton » (Madame Warendon) achetait de la mercerie à la bonne femme qui était toute contente et étalait le contenu de sa balle sur les banquettes de l’antichambre...»

 

« Le grand charme de La Lande pour ma grand-mère était dans tous ses souvenirs auxquels elle se rattachait de toutes ses forces ; elle montrait un noyer provenant d’une noix que mon père, enfant, avait planté dans son petit jardin un jour qu’il en avait trop pour le goûter : c’était un arbre superbe devant la maison de Bernier.

Mademoiselle Jeannette Negenborn, après avoir été gouvernante de mes tantes, était restée chez ma grand-mère comme dame de compagnie et y est morte. Elle nous donnait des cerises sèches « Gretel », l’ancienne bonne de la famille me donnait du sucre candi...

« Le colonel Lacourte, Madame de Montulle, la baronne Neigre, la baronne de Saint-Martin, la marquise de Perreuse, les Delamare, le baron Morissot et sa fille, la marquise de Massignac, Monsieur Destors du Tremblay, et tant d’autres, sont venus à La Lande, à demeure ou en passant...»

 

L'impératrice Eugénie et ses demoiselles d'Honneur- La Comtesse de Latour Maubourg est à droite (tenant un châpeau à la main) Tableau de Weintherhalter Château de Compiègne

 

 

 

13 février 1855, la Maréchale Mortier décède ...

Elle laisse le souvenir d'une personne aimable, attachante et admirée des siens et de ses pairs. 

 

Archive Société Historique du Plessis-Trévise
Source Gallica "Le Constitutionnel" Journal du commerce, politique et littéraire - 16 mars 1855
Version imprimable | Plan du site
© 2015-2025 SHPT - Mémoire-du-Plessis-Trévise.fr