Bordes Maulavées .... Ferme des Bordes

 

La Ferme des Bordes nous apparait aujourd’hui isolée au bord d'un chemin fermé à la circulation automobile et emprunté seulement par quelques promeneurs, sportifs ou bien encore par des lycéens trouvant ici un raccourci pour se rendre au lycée Champlain. Cependant, des documents anciens attestent d'un riche passé, à une époque où elle apparaissait sous le nom de "Bordes Malauvées" ou "Bordes Maulavées".

Sur un plan géographique, les Bordes relevaient autrefois de La Queue-en-Brie mais sont aujourdh'ui rattachées à la commune de Chennevières-sur-Marne. A l'ouest, s'étendait Le Bois l'Abbé, tandis qu'au Nord et au Nord-est, c'était le domaine du Plessis-Saint-Antoine.

Lors des étapes préliminaires à la création de la commune du Plessis-Trévise, d'âpres discussions eurent lieu en mairie de Chennevières sur Marne quant à leur rattachement à la future commune du Plessis-Trévise, mais finalement cela resta en l'état.
Notre histoire rejoint, à différentes reprises, celle du domaine des Bordes. En témoigne, la dépendance du Plessis Saint Antoine au XVIIe siècle ou bien encore quand elles furent la propriété du Prince de Conti à la fin du XVIIIe siècle, puis du Maréchal Mortier au début du XIXe siècle et un peu plus tard celle de Firmin Marbeau au moment du lotissement des domaines par Jean Augustin Ardouin. Située en limite territoriale du Plessis-Trévise, des liens importants se tissèrent avec ses habitants.

 

L'origine de la construction des Bordes reste encore un mystère et semble remonter au moins au Moyen-âge. En ces temps-là, la terre n'est pas d'une grande qualité, le sol est argileux et retient l'eau en cas de grandes pluies. Aux alentours, les taillis, bois et forêts sont très présents. D'un autre coté, les sols humides forment un terrain très favorable à la culture du chanvre, autrefois répandue (une fleur de chanvre figure sur le blason de Chennevières-sur-Marne). Selon une autre hypothèse, exprimée par P. Gaxotte, Les Bordes pourraient avoir une origine cistercienne et dater du XIe ou XIIe siècle. A cette époque, de grands travaux de défrichement sont effectués en France pour "faire rendre à la terre de nouvelles richesses"  Les abbayes cisterciennes sont alors établies dans des terrains sauvages ou déserts au milieu des bois et des marécages.

Témoignages de l'histoire d'une ferme pendant quelques siècles ...

XIIIe siècle

Dans le Cartulaire de l'Abbaye de Saint Maur, daté de 1220, il est rapporté que Guillaume d'Amboile (Amboile est actuellement Ormesson) et Pierre des Bordes s'engageaient à donner "Aux bons hommes de Vincennes deux muids de blé à prendre l'un en blé d'hiver et l'autre en blé de mars sur nos dîmes d'Amboile et des Bordes". Ce qui signifierait que, déjà, à cette époque, Les Bordes avait une production agraire.

XIVe siècle

Dans sa "Chronique Caudacienne" éditée en 1969 (puis rééditée en 1994), Jean Roblin cite : "1383 : La maison et hôtel des Bordes Malauvées et toutes les appartenances d'icelle, les fossés d'autour et les pasturages qui y joignent ..." (Orm.35).

XVIe siècle

Dictionnaire de la Ville de Paris et de ses environs - 1779

Au XVIe siècle, Les Bordes sont propriété des REILHAC.

Dans l'épitaphier du vieux Paris (Recueil général des inscriptions funéraires des églises, couvents, collèges, hospices, cimetières et charniers depuis le Moyen-Age jusqu'à la fin du 18e - Paris - Imprimerie Nationale MDCCCXC.), il est mentionné une épitaphe apposée dans l'église de La Queue en Brie  : "Messire Guillaume de Reilhac est Baron de la Queue, Seigneur des Bordes Maulavées et Bonneuil, Maistre de l'ostel ordinaire du Roy qui trespassa en aoust 1572".

Guillaume de Reilhac, fils de Jean et de Barbe de Vaudetar, petit fils de Jean de Reilhac* aurait donc été enterré dans l'église de la Queue en Brie avec son père et ses grands parents.  D'autres documents mentionnent qu'il fut non seulement Baron de La Queue en Brie mais aussi Seigneur de Pontault, Bonneuil-sur-Marne, Vigneux. Le roy en question est Louis II. A sa mort, Guillaume n' a pas d'héritier masculin et laisse ses 4 filles sous la tutelle de son frère Louis de Vaudetar. 

*Jean de Reilhac était un des personnages importants de la cour de Louis XI, qui le créa maître des comptes, puis général des finances. Puis, il tomba en disgrâce et ne reprit ses fonctions qu'à l'avènement de Charles VIII, fonctions qu'il assura pendant vingt-deux ans, jusqu'à sa mort en 1505.

XVIIe siècle

Jean Roblin, dans les "Chroniques caudaciennes", cite deux faits témoignant d'un lien entre Le Plessis Saint Antoine et les Bordes

- "En 1618, Antoine de Pluvinel rend foi et hommages pour environ soixante-dix-huit arpents situés parc du Plessis-Saint-Antoine, relevant en plein fief de la seigneurie des Bordes". Antoine de Puvinel est alors propriétaire du Plessis-Saint-Antoine.

- "En 1645, le fief Pluvinel relevant des Bordes Maluvées". (Orm 35).

XVIIIe siècle

Fermes de Bordes et Saint Antoine -

Un siècle et demi plus tard, aux environs de 1740, les cartes de Cassini et de l'Abbé de la Grive mentionnent les Bordes (voir carte dans le bandeau en haut de cette page). Elles sont dessinées sous la forme générale d'un rectangle clôturé par un mur, dont la moitié gauche est occupée par des bâtiments entourant une grande cour et la moitié droite par un parc ou jardin. A l'ouest du domaine, des mares forment la bordure (celles-ci étaient encore visibles courant XXe siècle). Plus à l'ouest, les figurés arborés semblent indiquer la présence d'un verger. Un chemin longe au sud cet ensemble et est relié au chemin principal des Bordes. Au-delà, tout autour s'étend le domaine.

L'atlas parcellaire de 1813 (dont un extrait est présenté ci-dessous) permet d'en préciser la description. La partie droite (parcelle 25) parait être un parc aménagé avec un bassin au centre. A l'est, coté Plessis-Trévise, figure une ouverture (u) dans le mur (il en reste aujourdh'ui deux piliers tronqués, à l'entrée du champ. Le mur a  également disparu. Dans la partie gauche, les bâtiments ont une forme de U incomplet et couché vers la gauche. Les bâtiments à usage d'habitation sont situés au centre (A, B) et donnent à la fois sur la cour à gauche et sur le parc à droite. Certains écrits mentionnent qu'à l'extrémité nord, une des habitations (A) était indépendante des autres et serait la partie la plus ancienne. En 1975, on y distinguait encore les vestiges d'une cheminée et l'emplacement d'une laiterie. Dans le reste du bâtiment (entre A et B), les pièces sont organisées en enfilade (anciennes cellules réservées aux moines ?) Au rez-de-chaussée, existait une salle dotée d'une vaste cheminée paysanne, qui aurait été jadis la salle de garde (Ces constructions n'existent plus aujourd’hui).

 

Les Bordes - Vestiges d'un blason

Une seconde entrée sur le domaine est visible au sud (en P coté chemin), donnant dans la partie droite (seconde entrée du champ actuel). Dans l'entrée de la cour principale (E), on note la présence de piliers dont l'un porte un blason, témoignant sans doute d'un passé ancien. Sa signification reste encore aujourd'hui un mystère. Très érodé par le temps, il se présente sous la forme d'un cadre de 54x78 cm dont la représentation a été sculptée à même le pilier à une hauteur de 3 m.

Aujourd’hui, on distingue encore un buste dans la partie haute, au-dessus d'un écu encadré par deux animaux difficilement identifiables (levrettes, cervidés ?).

Michel François Pillion cultivateur est installé maire de la Queue en Brie le 13 ventôse an 13 avec Vidron comme adjoint. Il habite alors sa maison des Bordes. Il était taxé en 1789 de 6 livres de captation pour l'emploi d'un jardinier,  d'un charretier et d'une servante.

XIXe siècle

En 1813, au beau milieu de la cour, figure sur un plan, un imposant pigeonnier (environ 7m de diamètre pour 11m de haut). Dans le cahier de doléances de Chennevières-sur-Marne rédigé au moment de la Révolution, il était demandé "la suppression de 6 ou 7 colombiers qui existent dans la paroisse par des personnes qui n'en ont pas le droit".  Ce colombier faisait-il partie de la liste ? Toujours est-il qu'il est encore présent au début des années 1900 et visible sur les cartes postales. Mais quelques dizaines d'années plus tard, il a disparu.

En 1812, Le maréchal Mortier devient propriétaire des domaines de La lande et du Plessis Saint- Antoine. Nancy de Trévise, petite-fille du Maréchal Mortier écrira dans ses mémoires : "A Lalande, on avait la chasse sur deux mille arpents clos de murs, presque tout en bois, excepté les terres des fermes de La Queue et des Bordes : faisans, chevreuils, lièvres et lapins y prospéraient...".

En 1822, Le maréchal, duc de Trévise, émet une curieuse requête à la préfecture, requête soumise aux  délibérations du conseil municipal de la Queue en Brie. Il voulait obtenir la suppression du chemin qui conduit de Villiers-sur-Marne à La Queue-en-Brie sous prétexte qu'il traverse son domaine. En compensation, il propose d’ouvrir au public une route partant et arrivant au même point des deux communes en passant par la Ferme des Bordes et le Hameau de Coeuilly. 

Le conseil municipal de La Queue en Brie donne son accord mais l'assortit de conditions exigeant qu'un nouveau chemin soit construit à la charge du maréchal et qu'il soit encaissé sur une profondeur de 18 pouces et d'une largeur de 4 mètres avec bordure de chaque coté.

En octobre de la même année, le maréchal devient maire de la commune de la Queue en Brie. Ce qui ne semble pas arranger les choses. La décision s'éternise au plus haut niveau. Il écrit, en 1823, une lettre au préfet de Seine et Oise, M. Croze :

"Je serai enchanté de vous faire chasser à Lalande avec Monsieur le Procureur du Roi. Je vous prie de me prévenir du jour où vous y viendrez afin que je puisse m'y trouver et vous y offrir à déjeuner... Je n'ai plus entendu parler de mon projet de chemin. Monsieur le Baron Destouches à qui je me suis adressé, il y a quelques jours, m'a promis de me faire connaitre sous peu à quoi en était ma demande..."

Malgré ces échanges, ce projet ne verra jamais le jour. 

      

Le 5 juin 1857, Jean Baptiste Firmin Marbeau rachète les Bordes à Jean Augustin Ardouin qui vient d'entreprendre de lotir l'ancien domaine du Maréchal Mortier. En 1890, elles deviendront la propriété d'un entrepreneur des travaux publics de Saint- Mandé.

La ferme des Bordes par Victor Pargon - Fin XIXe - Le porche d'entrée et l' abreuvoir .(Collection municipale de Chennevières-sur-Marne)

XXe siècle

La ferme des Bordes - Intérieur de la cour - début XXe

Au début des années 1900, la ferme est en pleine activité.

Les champs de la ferme des Bordes sont témoins  d'une activité bien insolite. Ils sont en effet utilisés comme terrain d'atterrissage pour biplans, ce qui a pour effet d'attirer quelques curieux intrigués par ce drôle d'appareil.

Rappelons au passage que Lucien Morane, l'un des célèbres pionniers de l'aviation française, avait épousé la fille de Georges Ohnet, romancier et propriétaire du château de Bois-Lacroix (situé en limite du Plessis-Trévise sur la commune de Pontaut-Combault).

Atterrissage Biplan - Plaine des Bordes

En 1947, un violent incendie embrasa les granges et les étables, épargnant les locaux d'habitation. L'exploitation résiste à ces dommages mais se maintint dans des conditions précaires.

 

Sur la vue aérienne ci-dessous (1955), les bases de la Ferme telles que décrites précédemment sont encore visibles. L'urbanisation se rapproche : en haut et à gauche, Le Plessis-Trévise; sur la gauche: Champigny et le Bois l'Abbé.  En bas et à droite, un hippodrome.

Les Bordes - Vue aérienne - IGN 1955

En 1975, Philippe Thirion, dans un article pour la Société Historique de Villiers sur Marne, écrit : "L'étendue du domaine se limite maintenant à 50 hectares. On y élève porcs, bovins, moutons et chèvres. Leur présence et celles de nombreux canards, oies, dindes et poules met l'esprit à cent lieues de Paris. Les acheteurs viennent à voiture, parfois à pied en empruntant le chemin des Bordes mais pour combien de temps encore ? La tour du grand ensemble de Bois l'Abbé est toute proche!"

 

Les Bordes - 1975 - Société Historique de Villiers sur Marne
Plaine des Bordes - 1978 - Au fond les grands ensembles de Bois-L'Abbé; Sur la droite, il reste les piliers formant la porte Est de la ferme. Les bâtiments de la ferme ne sont pas visibles et se situeraient sur la gauche.
Ferme des Bordes - 1980 - Les batiments d'habitation sont encore en place.
Ferme des Bordes - 2015 - Entrée principale et le dernier bâtiment existant (rénové).

L'activité fermière cessa définitivement dans les années 1980.

Abandonnés, les bâtiments furent dégradés, tagués et tombèrent peu à peu en ruine. Finalement, ils furent en grande partie rasés (il est intéressant de comparer les photographies 1980 et 2015).

La ferme des Bordes et ses terres ont été rachetées en 1977 par le Conseil Général du Val de Marne. 9 ha sont occupés par le parc départemental et 44 correspondent au périmètre de l'ancienne ferme. Sur une partie, se sont implantés un rucher associatif, un élevage d'ânes avec production de lait d'ânesse ainsi que des jardins partagés destinés à développer une production maraîchère bio, sous l'égide d'une AMAP "Les Paniers des Bordes". Tout récemment, en octobre 2014, un nouvel élan a été donné avec le vote par le Conseil Général du Val de Marne, d'un projet d’installation de culture maraîchère biologique au sein de la plaine des Bordes. Développé sur 8 hectares, ce jardin doit accueillir 35 salariés en insertion et 7 salariés permanents. La production maraîchère du site sera distribuée en circuit court et en vente directe à la ferme. Une nouvelle activité de centre équestre est également prévue sur une dizaine d'hectares.

Ferme des Bordes - 2015 - Dernier bâtiment . Reconversion du domaine par le Conseil Départemental .

La ferme des Bordes en 2015

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