Jusqu’à ces dernières années, on ne savait que bien peu de chose de Jean Augustin Ardouin qui a marqué notre ville de son empreinte puisque c'est à lui que l'on doit le lotissement des domaines de La Lande et du Plessis-Saint-Antoine dès 1857 et dont l'avenue principale du Plessis-Trévise porte son nom.
Des recherches récentes nous ont permis de découvrir David Slattery, descendant irlandais de Jean Augustin Ardouin, qui effectuait des recherches généalogiques sur son ancêtre. Dès lors, un contact s'est établi et des échanges cordiaux et fructueux sont venus enrichir mutuellement cette biographie.
En juin 2014, David Slattery et sa famille, de passage en France à destination des terres de naissance de son ancêtre, s'est arrêté au Plessis-Trévise où il a été reçu par la Société Historique et la Ville du Plessis-Trévise.
Jean Augustin est né le 10 juin 1792 à Thézac, petite bourgade près de Saintes, en Charente-Inférieure (aujourd’hui Charente-Maritime) d’un père médecin, Augustin Ardouin, et de Marie Anne Pelluchon-Destouches, sa mère, issue d’une bonne famille provinciale comme en témoigne son nom.
Les premiers éléments concernant son activité remonte en 1812 alors qu’il a 20 ans. Il officie en tant que chirurgien au 1er Régiment de carabiniers de la Grande Armée à l’heure où Napoléon est confronté au
«Général hiver» lors de la campagne de Russie et qu’il amorce une piteuse et dramatique retraite.
Il ne faut pas se méprendre sur les compétences de ce chirurgien de 20 ans qui n’est ni médecin ni officier. Un léger apprentissage à l’école de santé à Saintes, l’expérience paternelle, lui permet au mieux d’intervenir sur les champs de bataille et effectuer quelques opérations d’urgence aux nombreux blessés. Les amputations s’effectuent « à vif » et ne doivent pas dépasser la vingtaine de secondes car on ignore tout de l’anesthésie. C’est à l’époque la version frustre et primitive de ce qui deviendra plus tard la chirurgie de guerre.
Après la campagne de France, suivie de l’exil de Napoléon sur l’Ile d’Elbe en 1814, il est licencié de l’armée par mesure générale comme tous ses coreligionnaires. L’empereur ne tarde pas à s’enfuir et reconstitue sur le sol français une armée qu’Ardouin, bonapartiste convaincu, va s’empresser de rejoindre en tant qu’aide major au 2ème régiment de Carabiniers.
En 1815, les Cents Jours s’achèvent par la défaite de Napoléon à Waterloo. Ardouin est définitivement rayé des cadres militaires.
La même année, il poursuit des études médicales à Paris et soutient une thèse de doctorat en médecine; il a alors 23 ans. En 1816, il est enregistré comme auditeur du naturaliste Jean-Baptiste de Lamarck au Muséum d’Histoire naturelle de Paris, en cours de minéralogie. Cet intérêt pour la nature lui vaudra quelques années plus tard, diverses publications dans les revues et congrès scientifiques de l’époque.
Puis, pendant une trentaine d’années, plus rien, si ce n’est quelques bribes de vie personnelle.
On apprend qu’il accueilli sous son toit, 3 rue d’Alger à Paris, Pauline Elisa Bauché et sa mère Marie Rose Voisin, toutes deux originaires de la même région de naissance que lui.
Une première fille, Marie Isabelle, nait en 1839. Marguerite Elisabeth voit le jour en 1841 puis Eve Amélie en 1845. Toutes trois sont déclarées de père inconnu.
Le 18 avril 1848, Jean Augustin Ardouin régularise la situation. Il se marie avec Pauline Elisa sous contrat de séparation de biens et reconnait dans le même acte la paternité des trois enfants. La cohabitation de ce trio constitué d’une belle-mère presque de l’âge de son gendre, d’une épouse de 23 ans plus jeune que son mari, pose malgré tout quelques questions auxquelles on se gardera bien de répondre.
Pauline Elisa a la réputation d’une demi-mondaine et bientôt son comportement deviendra si scandaleux que Jean Augustin l’installera avec une rente dans un domicile distinct.
En 1845, Jean Augustin Ardouin est reconnu comme médecin. Il réside dans les quartiers huppés de la capitale, successivement au 3 rue d’Alger (quartier des Tuileries), au 23 place Vendôme puis au 4 place de la Concorde où il achète l’hôtel de Goislin en 1854. Il est alors vraisemblablement à la tête d’une jolie fortune dont on ignore et le montant et l’origine.
Le 5 juin 1857, il se montre acquéreur du domaine de Lalande mis en vente par les héritiers Mortier de Trévise.
Le domaine est alors composé d’un château, près, terres, bois, jardins, canaux, parc d’un seul tenant de plus de 210 ha et des deux fermes du Plessis Saint-Antoine et des Bordes. Le jour même, Ardouin rétrocèdera le château et son parc au ténor Gustave Roger, la ferme des Bordes et les terres environnantes à Firmin Marbeau et 37 autres acquéreurs interviendront dans l’acte de vente. Ardouin se réservera malgré tout quelques lots dont les Plans Cassins qui resteront propriété de la famille jusque dans les années 1950.
Voici donc Jean Augustin Ardouin converti en lotisseur, préfigurant ainsi la physionomie de la future commune du Plessis-Trévise.
Pour compléments, voir sur ce sujet,
- la rubrique Premiers Lotissements
- la rubrique Achats par J.A. Ardouin des domaines Mortier en 1857
La question de l’origine de la fortune de Jean-Augustin Ardouin reste posée ainsi que la raison qui l’a amenée à intervenir dans la succession de la duchesse de Trévise. On peut imaginer qu’il ait pu connaître le Maréchal Mortier, duc de Trévise, lors de la retraite de Russie. Rappelons qu’à cette même époque le maréchal Mortier achetait le domaine de La Lande. Par ailleurs, il ne semble pas du tout impossible que notre lotisseur puissent avoir fréquenté le cercle de relations précédemment établi entre Napoléon Mortier, 2e duc de Trévise, son beau-frère Firmin Marbeau, Adelinda Concha et même le docteur Louis Fleury.
Jean Augustin tire sa révérence le 28 mai 1868, heureux de savoir ses filles bien mariées et à l’abri du besoin. Marie Isabelle a convolé en justes noces avec le très aristocratique Alphonse de La Font Savines, Marguerite Elisabeth a épousé Armand Isidore Sylvain baron Petiet (pas celui du bois Saint-Martin, mais…) et Eve Amélie s’est marié à Robert Patten, un riche propriétaire irlandais.
Jean Augustin est inhumé au cimetière du Père Lachaise. Une palme figure entre son nom et sa qualité de docteur en médecine, symbole de victoire, d’ascension et d’immortalité …
Quant au tracé de l'avenue Ardouin, il est bien antérieur à son appellation actuelle.
En effet, en 1776, le Prince de Conti, propriétaire du domaine de La Lande, acquiert le domaine de Saint-Antoine et fait tracer à travers bois une voie carrossable pour relier les deux domaines. La première appellation de cette voie apparait dans un acte de vente du 27 décembre 1797 sous l'appellation de "chemin des peules" (ancienne appellation des peupliers dont elle est bordée). Environ 20 années plus tard, sur le plan du domaine de La Lande de 1815, alors que le Maréchal Mortier, Duc de Trévise est propriétaire, cette avenue est dénommée "Grande allée des peupliers"
Resté parfaitement rectiligne durant plus de 2 siècles, le tracé de l'avenue sera dévié en 1986 afin de créer l'actuelle Place du marché dénommée "Place du 7 juillet 1899".
Hier et aujourd'hui : carrefour des avenues Ardouin et Saint-Pierre