Le nom de Cavanna (on en oublie son prénom) évoque à tous, l'écrivain reconnu, au style coloré, singulier, le journaliste satirique de Hari-Kiri puis de Charlie Hebdo. Mais saviez-vous qu'il a résidé pendant plus de 20 ans dans notre commune (de 1953 à 1976) ?
Il écrira "Le Plessis [...] Aucune maison ne serait autant ma maison que celle-là".
Son ami Wolinski se souvient qu'en 1961 : "Je raccompagnais Cavanna dans ma 2 CV après les réunions hebdomadaires (de la rédaction d'Hara-Kiri) dans la maison qu'il avait pratiquement construite de ses mains au Plessis-Trévise, au bord d'un immense champ de blé."
Cavanna nous laisse dans son livre autobiographique "Les yeux plus grands que le ventre" un témoignage vivant, plein d'humour et de poésie sur son séjour plesséen.
François Cavanna est né le 22 février 1923 à Paris de Marguerite, sa mère nivernaise et de Luigi, son "rital » de père, maçon. Il passe son enfance à Nogent-sur-Marne.
Il s’ensuit une grande parenthèse au cours de laquelle il est réquisitionné pour le S.T.O. (Service du travail obligatoire mis en place par l’Allemagne nazie entre 1942 et 1945 pour suppléer les hommes partis combattre sur tous les fronts européens).
Après la Libération, suite à une petite annonce, François Cavanna acquiert un terrain au Plessis-Trévise à proximité de la ferme des Bordes et commence à édifier sa maison.
Voici ce qu'il en disait lui-même dans son livre "Les yeux plus grands que le ventre" :
«... un bled au-delà de Villiers-sur-Marne, en plein champs, trois cent cinquante francs le mètre carré ! Francs anciens : ça se passait en cinquante-trois. Pour trois cent cinquante mille balles, tu avais un terrain de mille mètres carrés ! Mille mètres ! Un parc ! Un domaine ! Une province ! Une ile déserte ! C’était toujours fou. Ce n’était plus irréalisable.
S’ensuivirent quatre années épouvantables et exaltantes où mon vieux pote Roger tient le rôle d’ange gardien, et enfin, au bout de tout ça, il y eut la maison. Six pièces, tout le monde avait sa chambre ou presque, nous nous entourâmes aussitôt de chiens, de chats, de pintades sauvages, de canards cannibales, et d’arbres, d’arbres, d’arbres…
La nuit, je devais faire trois kilomètres à pied depuis l’arrêt de bus de Cœuilly, le long de la route les rossignols se relayaient, un tous les trois cents mètres, la vieille chatte multicolore entendait de loin mon pas et venait à ma rencontre en trottinant pointe des orteils sur les grès qui bordaient le trottoir…
Je crois bien qu’il nous est arrivé d’être heureux ».
Il loge là, avec son épouse Tita et leurs cinq enfants.
Un peu « anar » par hérédité, un peu râleur par profession, un peu misanthrope par vocation, il jette déjà un regard acide sur le Plessis qu’il voit se profiler dans un avenir proche.
« C'était une campagne bien menacée, et déjà bien bâtarde. A peine étions-nous arrivés dans ce coin virginal que les pavillons sortaient de partout. Les pavillons sont les éclaireurs. Pour mieux dire, les sacrifiés. Quand surgissent les pavillons, les promoteurs ne sont pas loin. Tout de suite derrière. Très vite, la première résidence casse le paysage, étire ses funèbres verticales, ses horizontales au rasoir, ses lividités de ciment pour pauvres ou ses bariolages cucul pour petits riches, pelouse interdite, toboggan obligatoire, cafard, laideur, cafard, laideur. »
Le pavillon, construit de ses mains, sera vite rattrapé par l’urbanisation.
La famille s’enfuit alors en Seine-et-Marne en 1976. Ainsi, l’écrivain aura donc passé plus de vingt ans au Plessis-Trévise dans le quartier de l’avenue Maurice Ponroy, entre les vaches de la ferme Saint-Antoine et les moutons de la ferme des Bordes.
Il a souvent relaté le fait d’avoir bien connu son voisin Marcel Ponroy. Notamment, il s’effrayait chaque fois que le jardinier du dimanche s’en allait quérir au puits l’eau d’arrosage, craignant à chaque fois qu’il ne passe par-dessus bord pour finir au fond.
Certes, le Plessis-Trévise tel que l’a vécu François Cavanna ne pouvait demeurer éternellement en l’état, une campagne encore un peu sauvage, en marge de la civilisation, mais vite confrontée à la banlieue en expansion. Arrivé alors que la commune comptait moins de 1 500 habitants dans les années 1950, il voit le petit village vite confronté au choc démographique qui le fait plus que doubler en 1954 quand l’abbé Pierre fait construire la Cité de la Joie.
Le couple et ses cinq "moutards" ne peuvent supporter tant de changements quand en 1976 on atteint plus de 12 000 habitants. Il ne saurait être question dans ces conditions de livrer aux bétonneurs les pintades du jardin qui vivaient en liberté, pas plus que les canards de barbarie qui se perchaient sur les pignons et sur les cheminées quand arrivait la nuit, encore moins de priver de liberté Nicolas, le chien, qui avait trop pris l’habitude de vagabonder quand bon lui semblait sachant qu’il y aurait toujours quelqu’un pour le ramener à la maison.
François a tiré sa révérence au Plessis-Trévise en 1976, il a tiré sa révérence à la vie le 29 janvier 2014.
Son ami Wolinski dira : "La culture, la générosité, l'esprit critique, l'ironie, la liberté de penser, voilà l'héritage de mon ami Cavanna. Il est pour moi un des grands hommes du XXe siècle. Il sait tout et il a toujours raison, ce qui est parfois agaçant. Sa culture est encyclopédique, tout l'intéresse et il enregistre tout dans une mémoire infaillible."