Article paru dans Le Plessis-Mag - Décembre 2018
L’armistice, signé le 11 novembre 1918, mettra fin à 4 années d’une guerre d’une violence sans précédent qui a fait plus d’un million et demi de morts en France et 4 à 5 fois plus au niveau mondial.
La commune du Plessis-Trévise n’était pas une zone de combat mais comme dans toutes les communes de France, la vie quotidienne en sera profondément bouleversée, humainement, socialement et économiquement. Tous les hommes en âge de combattre ont été mobilisés et durant ces 4 années, les familles ont vécu au rythme des nouvelles du front, bien souvent dramatiques.
Le coeur du village est lourdement touché : A peine trois semaines après la mobilisation, le 22 août 1914, Georges Monnot, est tué sur le front de Meurthe et Moselle. Le 26 septembre 1915, disparait Albert Arnoux, le vaillant gymnaste de l’association « L’Alerte » puis le 28 mars 1916, André Deseine, le fils du jardinier, est porté disparu. Le 27 novembre, une autre funeste nouvelle arrive : Edouard Bernard, un jeune maçon de la plaine des Bordes, est tombé glorieusement au combat :
« Monsieur, C’est un bien pénible devoir que je remplis, après chaque période de tranchées, que de prévenir les familles de nos malheureux disparus, mais je ne saurais m’y soustraire, quelque peine que j’en ressente moi-même. Je ne sais quel lien de parenté vous unissait à mon chasseur Bernard, mais j’appréciais entre toutes, les brillantes qualités. Vous connaissez probablement la belle citation qu’il avait méritée en août dernier ? Il a suffi de deux obus malheureux pour faucher cette section, noyau de la compagnie. Ils n’ont pas souffert, tous touchés à la tête et ils reposent près de l’endroit où ils sont tombés, les circonstances difficiles dans lesquelles nous étions ne nous ayant pas permis de descendre leurs corps au prochain cimetière, quelque vif qu’en soit notre désir.
Leur tombe se trouve à 150 mètres à l’ouest de la corne sud-ouest du bois de Saint Pierre Waast, au sud-est de Saillisel, 2 baïonnettes auxquelles sont fixées des plaques de métal portant leurs noms vous précisent cet emplacement. Puissiez-vous, Monsieur, trouver dans la gloire qui auréole le sacrifice du chasseur Bernard un juste adoucissement à votre douleur ».
Sa dépouille ne pourra être rapatriée que quelques années plus tard. Le village lui réservera, le 4 février 1923, d’émouvantes obsèques.
L’année 1918 fut aussi éprouvante : à quelques semaines de la fin des combats, le 17 juillet 1918, André Chouard décède des suites de ses blessures, laissant une fiancée éplorée. Le 2 octobre, Léon Gabriet, le fils du forgeron, est tué à Saint-Quentin lors d’une violente contre attaque. Cette même année, le garde-champêtre Alexandre Gaufillier verra disparaitre ses deux fils : Auguste, décédé des suites de ses blessures le 17 mai 1918 puis Paul est porté disparu deux semaines plus tard. L’avis de décès ne parviendra que le 23 aout 1919 par un courrier du curé d’Ozoir-la-Ferrière :
« Monsieur, c’est avec peine que je prends la plume en ce moment pour venir partager avec vous toute la peine et la douleur que vous allez ressentir en lisant ces lignes au sujet de votre fils Paul qui a payé sa dette d’une manière glorieuse pour la France. Voici ce que m’écrit M. le Curé de Curtz (Oise) afin que je puisse renseigner la famille : « Dans mes recherches, j’ai pu l’autre jour identifier le corps d’un soldat qui doit être de votre paroisse Paul Gaufillier, né le 1er septembre 1895 à Ozoir-la-Ferrière. J’ai trouvé ces indications en réunissant avec soin quelques papiers plus ou moins décomposés et enterrés. Ce soldat a dû être blessé à la tête. J’ai ses effets et sa croix de guerre. Avertissez discrètement la famille. Je dis discrètement car mes recherches ont un caractère privé ».
Le dernier poilu recensé sur le Pessis-Trévise sera Edmond Ferry décédé à l’Hopital de Auve (Marne) des suites de ses blessures le 9 octobre 1918 et dont le corps ne sera rapatrié que le 9 mai 1922.
Il est difficile sinon impossible de savoir combien de morts incombent réellement à la commune, encore moins le nombre d’invalides ou de grands blessés rapatriés. On dénombre sur le Monument aux Morts 37 inscrits, certains sont totalement inconnus à l’état-civil ou aux recensements, certains figurent également sur le monument d’autres communes. Le carré militaire du cimetière avec 8 stèles seulement dont une dédiée au soldat inconnu, confirme ce flou : l’un des soldats ne figure pas au Monument aux morts. Cela peut s’expliquer par le fait que certaines dépouilles n’ont pas été retrouvées ou ont été inhumées sur place ou bien encore que certaines familles ont choisi la sépulture familiale.
La loi du 25 octobre 1919 lance le grand projet d’un Livre d’Or destiné à établir pour chaque commune, la liste des Morts pour la France. Là encore, la tâche sera très difficile, il faudra environ 10 ans pour clôturer ce livre… Cette fois, ce sont 26 poilus qui seront inscrits dans le Livre d’Or du Plessis-Trévise !
Cette loi relative à la commémoration et à la glorification des Morts pour la France réglemente et encadre toutes manifestations patriotiques telles que la construction des Monuments. Le Plessis-Trévise ne saurait s’y soustraire.
Trois longues années se sont écoulées depuis la fin du conflit. Après maintes péripéties afin de déterminer le lieu d’édification, le statuaire et surtout le financement, qui sera issu en majeure partie de dons des habitants, le jour de l’inauguration du Monument aux Morts est enfin arrivé :
Sur la gauche du Monument aux morts, se dresse l’estrade. Chacun y a pris place, debout. Au centre, les officiels. En arrière, les représentants des sociétés locales. A leur droite, les familles des disparus avec en premier plan, leurs enfants. A leur gauche, les familles des conseillers municipaux. Tous retiennent leur souffle. En ce jour inaugural, en ce jour de souvenir, en ce jour de commémoration, ils ont revêtu l’habit du dimanche. Pas celui des grands jours de fête, mais celui réservé aux deuils et aux enterrements. Le noir est de rigueur en cette journée de novembre.
Face à l’estrade, à la droite du monument qu’un voile tricolore enveloppe encore, se tient la troupe, au garde à vous. Les boutons astiqués des uniformes bleus horizons brillent même si le soleil est un peu avare en ce début d'après-midi brumeux. Le Lebel au pied, la troupe se concentre, attendant les ordres.
A quelques pas, devant le monument, les pompiers sont en rang. Les casques rutilent et on sent monter l’émotion qui gagne le bon peuple venu honorer ses morts. Les quelques rescapés se souviennent et bénissent sûrement le ciel d’être là aujourd’hui plutôt que d’avoir leur nom gravé sur la pierre pour l’éternité.
Puis, des roulements de tambour retentissent. Les veuves ne peuvent retenir une larme derrière la voilette noire. Elles pensent aux moments que la guerre ne leur permettra plus de vivre, elle leur a dérobé à jamais la vie d’un être aimé. La grande faucheuse a eu de la belle ouvrage, le massacre n’a encore jamais eu une telle ampleur. Le tambour cesse sa battue funeste. Le Maire prononce alors une courte allocution, puis faisant suite à la litanie des 37 noms de ceux qui n’auraient sans doute jamais souhaité tant d’honneur, la sonnerie des morts retentit.
Le voile qui couvrait le monument glisse alors lentement, découvrant ces simples mots : « Le Plessis-Trévise à ses enfants morts pour la France 1914-1918 ». La troupe présente les armes, les pompiers se mettent au garde à vous. En ce 13 novembre 1921, à quatorze heures, le monument aux morts de la Grande Guerre vient d’être inauguré. La petite foule se disperse, recueillie, sombre. Les familles s’éloignent à grand peine, abattues. Les plaies sont encore trop fraîches.
En deux autres endroits, les soldats disparus seront honorés : en l’église Saint Jean-Baptiste où une plaque funéraire portant les noms des enfants de la paroisse morts au champ d’honneur, sera apposée le 1er novembre 1919, puis, en façade de l’Ecole-Mairie du village (aujourd’hui Espace Georges Roussillon).
Le Monument aux Morts représente un lieu de mémoire collective.
Chaque 11 novembre, les édiles municipaux, une délégation des enfants des écoles et de leurs enseignants, les représentants des anciens combattants et les habitants rendent fidèlement un hommage aux disparus.
Cent ans après la fin de cette guerre, que l'on disait la "Der des Der", ces hommes ordinaires, patriotes, héroïques malgré eux, que l'argot militaire a appelé "Les poilus", vivent à jamais dans la mémoire intime de toutes les familles.
Pour complément sur ce sujet, voir aussi : Hommage à nos Poilus