Saint-Antoine pour refuge

 

L'article que nous vous proposons ci-dessous relate un événement qui s'est produit sur les terres du domaine de Saint-Antoine, alors rattachées à la commune de Chennevières-sur-Marne, au cours des jours qui suivirent la fuite du roi Louis XVI.

 

Au soir du 20 juin 1791, le roi Louis XVI, la reine Marie-Antoinette, se sentant de plus en plus menacés par le mouvement révolutionnaire, décident de s’enfuir en compagnie de la famille royale. Leur objectif : gagner l’Est de la France pour franchir la frontière et se réfugier en Autriche, patrie de Marie-Antoinette. Mais, dès le lendemain, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre à travers tout le pays. L’échappée sera, par conséquent, de courte durée : le 21 juin, la famille royale, bien que costumée en domestiques, sera reconnue et arrêtée à Varennes en Argonne. Le 22 juin, ce sont des citoyens armés de pics qui les ramèneront aux Tuileries, sous les huées de la foule.

Arrestation de la famille royale à Varennes

Pendant ce temps, à Chennevières pas de troubles particuliers à signaler. Seul le Seigneur des Rets, Paul-Louis Auguste de Malherbe, Maître des Requêtes, Avocat Général du Conseil de la Maison de la Reine a émigré et ses biens seront séquestrés au profit de la Nation.

 

Jean-François Didelot

Jean-François Didelot et sa famille sont restés dans leur maison dite « du Plessis».  

 

Jean-François DIDELOT était né à Châlons-sur-Marne en 1736. Régisseur Général des Aides et Droits réunis, il était en 1786 le doyen de sa compagnie et chargé du département de Paris. Il devint ensuite Fermier Général.

 

C'est dans cette maison que le 21 juin 1791, se réfugie la dame Gougenot, une des femmes de chambre de Marie-Antoinette provoquant l'émoi du petit village. La municipalité se déplace alors pour constater qu'il ne s'agit pas d'une rumeur et adresse un procès-verbal "prudent" à la Garde Nationale.

"A Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale de Paris,  Au moment où nous apprenions l'évasion du Roi et de la famille royale, il serait parvenu à notre connaissance qu'il venait d'arriver dans notre paroisse chez M. Didelot, une femme de chambre de la Reine. Pour nous confirmer du fait, nous nous serions transportés chez mon dit sieur Didelot et nous y aurions trouvé une dame qui nous a déclaré être femme de chambre de la Reine et s'appeler Collignon, femme Gougenot. Sur quoi nous aurions cru lui faire différentes questions sur le départ du roi et de la reine. Elle nous aurait répondu suivant le procès-verbal ci-joint dont nous avons l'honneur de vous faire  passer copie collationnée.  L'an 1791, le 21 juin, à 8 heures de relevée. "
 

"La dame Gougenot interrogée répond qu'elle ne sait rien. Elle s'est couchée comme à l'ordinaire. Vers 3 heures du matin sa femme de chambre lui dit qu'il se faisait du mouvement, elle n'en tint pas compte et s'endormit. Et sur les 5 heures du matin, sa femme de chambre l'a réveillée pour la seconde fois. Elle se leva alors, alla à la chambre de la reine, qu'elle trouva vide. Effrayée par les suites de ce départ, elle sortit du château pour se rendre chez elle, fit mettre les chevaux à sa voiture pour se rendre à Chennevières chez Madame Didelot. "

Ont signé: DUVAL, Officier Municipal, DESMOULINS, Procureur de la Commune, LAVIRON, Officier Municipal, RODIEN, Secrétaire.

 

L'Assemblée, après lecture du procès verbal d'interrogatoire, doutant des réponses apportées par Dame Gougenot sur sa connaissance du départ de la Reine, décide que MM. Fugère et Le Flamand, administrateurs, se transporteront à Chennevières pour faire mettre en arrestation la dame Gougenot, lui poser toutes questions utiles et faire ce que leur prudence leur suggérera de concert avec le district de Corbeil et les Municipalités.

Le 23 juin, les commissaires nommés interrogent de nouveau la prisonnière, qui confirme ses réponses.

"Elle se nomme Marie-Magdeleine-Xavière Collignon, épouse du sieur Gougenot, receveur général de la Régie, demeurant à Paris, rue de Choiseul, à l'hôtel de la Régie. Elle est femme de chambre de la reine. Elle est arrivée à Chennevières avec sa femme de chambre Catherine Pierre. "
Procès-verbal dressé en présence de Janets, Maire de Chennevières et de Desmoulins, procureur de la Commune. 

 

Retrouvez l'interrogatoire détaillé de Dame Collignon par MM Fugère et Le Flamand dans la galerie ci-dessous.

Source :

BNF/Gallica - Mémoires de la Société des sciences morales, des lettres et des arts de Seine-et-Oise -1893.

Cela étant fait,  ladite dame Gougenot est "mise en état d'arrestation jusqu'à ce que l'Assemblée Nationale en ait autrement ordonné". Dès le lendemain, la prisonnière envoyait une requête au Comité des recherches le priant de vouloir bien lever les ordres donnés pour qu'elle reste en état d'arrestation et gardée à vue par deux sentinelles. Son interrogatoire ne contenait rien qui puisse la faire condamner et n'ayant pas l'intention de s'enfuir, elle s'engage à répondre à toutes réquisitions. Son mari, Garde National, répondant d'elle.

Le 24 juin 1791, les commissaires envoyés à Chennevières pour interroger la dame Gougenot, annoncent qu'ils ont rempli leur mission. 
Le 25 juin 1791, les Comités décident que Madame Gougenot et sa femme de chambre doivent être gardées à vue jusqu'à ce que tous les éclaircissements possibles soient acquis sur les circonstances du départ du Roi. Mais, vu l'insuffisance de la garde à Chennevières, le département est d'avis que Madame Gougenot et sa femme de chambre soient conduites à Paris, à leur domicile. Voilà une décision qui décharge la Municipalité d'un gros souci. La Garde Nationale, qui tremblait de voir fuir ses prisonnières, va pouvoir dormir tranquille.

 

C'est l'époque de la Terreur. A Versailles comme dans beaucoup d'autres endroits, les prisons regorgent de suspects.

Jean-François Didelot, l’hébergeur de la dame Gougenot, n’allait pas tarder à monter sur l’échafaud. Mis en accusation devant le Tribunal révolutionnaire avec 28 de ses collègues Fermiers Généraux dont le chimiste Antoine Lavoisier, il fut condamné, comme eux tous, dans la salle de la Liberté, à l’audience du 19 Floréal An II (8 mai 1794) au titre « d’être auteur ou complice d’un grand complot contre le peuple français, consistant à mêler au tabac, de l’eau et des ingrédients nuisibles à la santé des citoyens ».

Il est accusé également « d’avoir retenu en ses mains des fonds destinés au Trésor national, pillant et volant ainsi au profit des tyrans ligués contre la République ».

Jean François Didelot, 59 ans, natif de Paris, ex-noble, régisseur, fermier général pendant le bail David, ayant les départements des aides dans les généralités d’Alençon et de Caen, domicilié habituellement à Chalons sur Marne, argue pour sa défense qu'il n'a jamais appartenu aux baux Salzard et Mager; que les comptes du Bail David ont été rendus et approuvés par la chambre des comptes et que dans ce bail, il était chargé des seules aides. Bien que ces propos furent confirmés par les fermiers détenus, que les régisseurs aient fait une pétition pour demander sa libération car indispensable à l'arrêté des comptes de la Régie Générale, il sera maintenu en détention et condamné.

C’est au cours de cette audience que Fouquier-Tinville répondit à Lavoisier qui lui demandait quelques jours pour finir une expérience : « La Révolution n’a pas besoin de chimiste ! Le cours de la justice du peuple ne peut être suspendu ».

 

 

Deux mois plus tard, Robespierre tombait et la Terreur prenait fin. A Chennevières, beaucoup de citoyens renouvelaient leur serment civique. Le village revenait peu à peu à une certaine quiétude. 

 

Quant à la dame Gougenot, au vu du registre de la Maison de la Reine, il semble que le retour forcé de celle-ci lui ait fait retrouver la liberté et ses fonctions, provisoirement, jusqu’à l’emprisonnement de Marie-Antoinette en août 1792.

On ne sait ce qu’il est advenue d’elle ensuite et si elle a retrouvé un emploi de femme de chambre sous le nouveau Régime. Nous savons toutefois qu’elle survivra à cette période révolutionnaire puisqu’elle décèdera en 1808, un inventaire après décès ayant été effectué le 12 octobre 1808. Elle était veuve de Louis-Georges Gougenot depuis le 29 Germinal de l’an II (1er avril 1794). Ce dernier semble donc avoir été victime de la Révolution, un mois avant son ami « du plessis » Jean-François Didelot. 

Les femmes de chambres de la Reine

Femme de Chambre de la Reine
Au nombre de douze, elles servaient en rotation : trois équipes de quatre personnes servant chaque jour pendant une semaine, suivie de deux semaines de "vacances". Pendant les Petits Couverts, les femmes de chambre présentaient les plats de nourriture à la Reine afin qu'elle fasse son choix.

 

Gages

- 1 400 Livres (1 livre équivaut à 8 euros en 2017)
  2 000 Livres après 20 ans de service
  3 000 après 25 ans de service
  4 000 après 30 ans de service
- 700 Livres à chaque nouvelle femme pour "robe de chambre, tablier, ameublement"
- Gratification à chaque fin de service (200 à 300 Livres par femme de chambre)
  400 Livres de droit aux bougies reversé par la première femme de chambre
- Logement au Grand Commun

Première Femme de Chambre

Ces femmes étaient les servantes personnelles de la Reine et s'occupaient de satisfaire ses besoins privés. La première femme de chambre assistait à la toilette de la Reine et se chargeait des "présentations subalternes", c'est-à-dire sans grand habit que seules les dames de la Cour pouvaient porter. Les dames pas encore présentées étaient en "robe de chambre".

Présente lors des cérémonies ou les grands officiers de la Maison prêtaient serment devant la Reine, son rôle était d'offrir à la personne honorée un carré de velours pour s'agenouiller.

Lors des petits couverts, où la Reine dînait seule, la première recevait des officiers gobelet, serviette, soucoupes et assiettes à la porte de la Chambre et les apportait à la table de la Reine. Elle prenait la table en dehors de la Chambre et la mettait à l'endroit voulu (chambre ou grand cabinet) puis le plat à la porte de la chambre, les officiers n'ayant pas les entrées de la Chambre. Seuls les plats de fruits (trop lourds) étaient apportés par le contrôleur général de la Bouche. La première femme de Chambre déposait l'assiette de nourriture devant la Reine, pareil pour la boisson. Les enfants de la première femme de chambre se fiançaient dans la chambre de la Reine en présence de la Famille Royale, et le contrat de mariage était signé chez la Dame d'Honneur par les témoins (généralement la Famille Royale). Nommée par brevet, elles prêtent serment chez la Surintendante ou Dame d'honneur. Au nombre de deux, elles servaient chacune une semaine alternativement.

 

Gages

- 1 800 livres
- logement au château, proche des appartements de la Reine, si maladie.
- droit aux chandelles employées ou non, dans la chambre, les cabinets intérieurs et le grand cabinet.

Bougies blanches pour la journée et jaunes pour la nuit
- pourboire
 

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