Le Lusol, une idée lumineuse

 

 

 

La « Revue Municipale» (recueil bimensuel d’études sur les questions édilitaires pour la France et l’Etranger) du 16 au 31 décembre 1905, nous informe d’une inauguration prévue au Plessis-Trévise et concernant un tout nouveau mode d’éclairage pour les communes.

 

Ci-après l'article reproduit dans sa quasi intégralité :

 

" On connait ce coin charmant de la grande banlieue parisienne qui a nom les bois de Gaumont. Depuis quelques années des parisiens, amoureux des beautés sylvestres, s'y sont installés. Une commune importante s'est créée en ce lieu qui n'était autrefois qu'une section de Villiers-sur-Marne : c'est Le Plessis-Trévise.

L'étendue territoriale en est vaste. Les ressources budgétaires y sont faibles comme dans toute commune nouvellement venue à la vie administrative. Cependant, les habitants, tous Parisiens, s'ils adorent la campagne, les bois, ne détestent pas, il s'en faut, les commodités de la grande ville. Par exemple, quand ils sortent le soir pour aller faire une partie de whist ou de bridge chez le voisin ou pour reconduire des amis à la gare, ils aiment voir clair. Le moyen, je vous prie, au milieu des bois ? Les avenues sont longues et larges. Les canalisations qu'on demanderait à la Compagnie du Gaz éclairant la ville la plus proche, nécessiteraient de grosses dépenses, une convention à long terme sans doute onéreuse. Les édiles de Plessis-Trévise n'en veulent point consentir. L'acétylène?... Hum! L'électricité?... Hélas, pas d'usine à proximité pouvant fournir du courant à bon compte. Le pétrole ?... Bien insuffisant pour une cité moderne." 

 

"La jeune municipalité étudiait, réfléchissait quand on vint lui proposer d'installer des lampes au lusol.

Un procédé nouveau, qu'il vise l'éclairage ou tout autre service, est toujours vu avec méfiance par les administrations communales sérieuses. Il y a une raison excellente à cela, c'est que les expériences de ce genre sont faites aux frais du budget. Si elles donnent de mauvais résultats, si on doit y renoncer, c'est le contribuable qui paie.

 

Les édiles de Plessis-Trévise commencèrent donc par se renseigner sur ce qu'était ce lusol.

M. André Vignat, qui s'est constitué l'apôtre fervent du nouvel éclairage, fut mandé par eux et dans le cours de la conférence qu'il leur fit, conférence suivie d'expériences pratiques au dehors, il leur apprit, entre autres choses, que plusieurs communes venaient de signer leurs contrats visant ce nouvel éclairage, que la Ville de Paris avait depuis le mois de février, 21 foyers équipés au Ranelagh. Le succès est tel que le préfet de la Seine vient de prendre un arrêté par lequel cent foyers de 320 bougies doivent être installés dans d’autres quartiers de la capitale. "

 

''Ils voulurent voir, ils virent. L'intensité lumineuse de ce nouveau produit était, en effet, extraordinaire, elle les éblouit. Le prix de revient était si bas qu'aucun autre mode d'éclairage ne pouvait lui être comparé.

Le Conseil municipal de Plessis-Trévise n'hésita plus. Il traita, sur des bases très simples : La Commune acheta ferme tout le matériel d'éclairage, se réservant l'entretien : emplissage, allumage et extinction des lampes qu'inventa, pour brûler spécialement le Lusol, l'Ingénieur si distingué qu'est M. Denayrouze. 25 foyers furent installés sur candélabres de 3 m. 20, petit modèle de la Ville de Paris, avec porte-échelles.

La Commune n'a donc plus qu'à se fournir de Lusol. Elle a fait prix pour une durée de 3 années avec la Compagnie qui exploite ce nouveau liquide d'éclairage. ''

 

''Et, le premier samedi de décembre, jour de la Sainte-Cécile, la population du Plessis-Trévise fêtait l'inauguration de l'éclairage au Lusol : banquet sous la présidence de M. Alinot, premier adjoint, remplaçant le maire M. Nivette, excusé à cause d'un deuil très récent. M. Alinot était assisté de M. Poloch, président de la fanfare : discours célébrant les bienfaits du nouvel éclairage, puis naturellement, force danses.''

 

''Mais enfin, demandera-t-on, qu'est-ce que ce Lusol qui jouit d'un pouvoir éclairant si considérable?

Le Lusol fait partie de la série des essences légères que l'on recueille lors du traitement de la houille. Est-il besoin de souligner quels avantages retireront les petites communes de l'emploi de ce nouveau mode d'éclairage qu’est ce gaz de houille ?

L'installation en est économique car elle ne nécessite ni tranchées, ni canalisations, chaque foyer portant en lui-même son générateur de gaz.

Son prix de revient est infime comparé à celui des autres agents produisant la lumière. Le remplissage des lampes se fait sans ouvrir les lanternes, ce qui est une garantie pour la conservation des manchons, et l'allumage par des dispositifs ingénieux, au moyen de la perche. Chaque foyer produit une lumière éclatante, d'une fixité remarquable.

Les expériences faites dans les communes sollicitées pour l'adoption de l'éclairage ont démontré qu'il suffisait, dans les voies droites,de placer les foyers à 200 mètres l'un de l'autre, l'intensité lumineuse étant encore fort appréciable à 120 mètres. A 250 mètres du foyer, les ombres portées sur un mur blanc le sont encore avec une netteté remarquable.
L'économie que nous avons signalée au début comme devant résulter du prix de l'éclairage lui-même, se trouve considérablement augmentée par le petit nombre de foyers lumineux à installer pour assurer l'éclairage de grandes surfaces.

Disons avant de terminer que les expériences d'éclairage public au Ranelagh, autorisées par la Ville de Paris en février dernier, se sont poursuivies avec un succès tel que sur un vote du Conseil Municipal, le Préfet de la Seine vient de prendre un arrêté par lequel cent foyers de 320 bougies doivent être installés à Paris, sur les points suivants : Quai d'Orsay, rue de Rennes, environs de la Porte-Maillot.
Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que le mouvement se dessine en Algérie et que les communes de Relizane et de Oued Taria viennent de signer leurs contrats pour l'éclairatre au « Lusol ». 
''

                                                                                                                                        signé R. V.

Le Conseil municipal du Plessis-Trévise adopte ce projet par délibérations du 26 septembre 1905.

Un an plus tard, le 16 septembre 1906, un facteur titulaire à l’allumage et à l’entretien des réverbères ainsi qu’un facteur auxiliaire, au salaire de 50 francs mensuel, entreront en fonction.

Dès 1909, 50 becs de gaz viennent s’ajouter au 25 initialement installés.

 

 

Un problème vint cependant perturber cette géniale innovation.

La commune de Villiers-sur-Marne avait conclu un contrat avec la Compagnie du Gaz de Bry Sur Marne pour la fourniture de gaz sur le territoire qui lui avait été retranché lors de la formation de la commune du Plessis-Trévise. Le but était alors d’alimenter en chauffage et éclairage l’usine de faux-cols de l’avenue Ardouin, alors propriété de M Quirin et maire de Villiers-sur-Marne...

Profitant du passage de la conduite de gaz, le quartier du Val Roger avait bénéficié de l'installation de quelques candélabres.

 

Après maintes délibérations, en 1913, l’éclairage au Lusol sera abandonné au profit de celui au gaz.

 

Il faudra attendre 1925 pour que l’installation de l’éclairage public à l’électricité fasse progressivement son apparition.

Article sur le Lusol paru dans Le Matin du 1er novembre 1903

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