L'aventure des Castors

Après la seconde guerre mondiale, face aux problèmes matériels combien difficiles à résoudre, d’accéder à la petite propriété, nait en France un mouvement d’auto-construction coopérative baptisé « Les Castors ». 

 

 

La première opération, réellement concrète, aura lieu il y a tout juste 70 ans, en 1948 à Pessac, près de Bordeaux. En 1950 est fondée l'Union Nationale des Castors (UNC) dans le but de coordonner l’action des différents groupements de Castors, de les conseiller administrativement, juridiquement, financièrement et techniques et de les représenter auprès des administrations des organismes compétents. Le mouvement est reconnu officiellement en 1952 par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme puis en 1954, la Confédération Française des Unions de Castors réunit l’UNC et les associations départementales de la Seine et de la Seine-et-Oise. 

Construire de ses propres mains sa maison est la plus magnifique des aventures. Mais la meilleure aventure est celle qui, minutieusement préparée, évite les impasses, les difficultés inutiles, concentre tous les efforts vers le but qu'on s'est, à soi-même, assigné. Les équipes formées au sein d'une entreprise doivent pouvoir compter sur le patronage discret et efficace de l'employeur. Ce dernier peut, comme les municipalités, intervenir dans l'achat du terrain. Il peut aussi avancer aux moins fortunés une partie des sommes nécessaires aux premiers achats de matériaux qui, sous tous les régimes de financement, sont laissés à la charge des auto-constructeurs.

L'intervention de nombreuses entreprises, des plus petites aux plus grosses, est dans ce domaine absolument déterminante. Quelle que soit la branche de son activité, l'industriel peut faciliter, sur le plan technique, les opérations « Castors » par toutes sortes d'interventions : personnel d’encadrement, fourniture de matériaux, moyens de transport, petit matériel et engins spécialisés, judicieuse organisation des heures supplémentaires, des jours et périodes de congé, etc. …

Le Castor n'est pas seulement un ouvrier de complément, il est maître d'œuvre puisqu'il étudie le plan de sa maison, procède à des achats de terrain et de matériaux, discute un régime de financement et passe des contrats. Ce n'est plus un exécutant, un constructeur de second ordre, mais un homme dont l'esprit d'initiative, le sens critique, la volonté réfléchie concourent à l'abaissement du coût de la construction dont le taux reste un souci primordial pour ceux qui ont la charge de loger convenablement leur famille. Entraîné au départ par d'impérieuses nécessités matérielles, le Castor atteint peu à peu la pleine maîtrise des facultés qui sommeillaient en lui : l'obligation d'acquérir de nouvelles compétences organise son intelligence, sa participation à un travail d'équipe, développe son esprit de solidarité. 

 

Ce sont les grandes lignes de cette aventure qu’ont vécu  des « Castors » au Plessis-Trévise.

 

 

La première opération de construction par les Castors sur la commune du Plessis-Trévise a lieu en 1955.

 

Elle est entreprise par les Castors de la Police, après cession d’une partie du parc du Château des Tourelles (entre les avenues des Tourelles, du Domino Noir et de la Maréchale).

Les clichés ci-dessous, pris en 1962 et 2018, témoignent du caractère presqu'identique des pavillons construits, le temps ayant depuis fait son oeuvre de personnalisation par les propriétaires successifs.

 

Puis, en 1959, un autre chantier est lancé. Récit .

 

En mai 1959, M. Graveline qui pense à cela depuis longtemps, se décide à prendre contact avec la direction de la Société L'Air Liquide, alors installée à Champigny-sur-Marne, pour présenter son projet. L'accord et l'appui de la Société sont primordiaux pour la réussite d'un tel projet. 

Conforté par l'adhésion des dirigeants de L'Air Liquide, M. Graveline est chargé de monter une petite équipe de personnes intéressées, tout en recherchant un terrain de construction, opération compliquée lorsqu'on ne dispose pas de beaucoup de fonds.

 

S'ensuit une longue période de recherche, de démarches infructueuses et d'espoirs déçus, Un jour cependant c'est la bonne nouvelle. M. Graveline rencontre M. Dupuis, alors Conseiller Municipal du Plessis-Trévise. Cette conversation aboutira à un appui total de la municipalité.

Peu après, en octobre 1959, un terrain de 5 115 m² au prix de 51 150 NF, situé au 42 avenue du Général de Gaulle au Plessis-Trévise, est signalé par M. le Maire. Un accord de vente est rapidement trouvé. 

 

Il restait encore à arrêter la liste définitive des participants en vue de la fondation de la Société des Castors. L'équipe des Castors est arrêtée à 8 membres ayant pour but la construction de 7 pavillons type F4 et un pavillon type F3.

 

Il s'agissait pour cette nouvelle société de construire un petit lotissement et celle-ci allait devoir faire face à toutes les formalités administratives relatives à ce type de construction comme :

- déposer une demande de permis de construire pour chacun des pavillons avec toutes les pièces à joindre en de multiples exemplaires

- transmettre un état descriptif des fosses septiques et des branchements à la Direction Départementales de la Santé et aux Ponts et Chaussées

Etc. ...

 

Une nouvelle attente s'engage alors. L'intervention de la société L'Air Liquide facilitera l'obtention de certaines pièces indispensables.

 

En mai 1960, les premiers dossiers complets sont enfin acceptés et permettent au Crédit Foncier d'accorder les prêts à la construction.

 

Le temps passant, deux solutions se présentaient aux Castors :

   -  attendre sans bouger le retour de tous les dossiers,

   - ou prendre le risque de commencer les travaux dès leur entrée sur le terrain. 

C'est cette dernière solution qui fut acceptée à l'unanimité permettant de commencer les travaux peu avant la fin de l'année 1959.

 

Pour atteindre les objectifs, une organisation rigoureuse est mise en place sous la direction de M. Graveline.

 

"Les activités sont réparties de la façon suivante :

   - samedi toute la journée et dimanche matin : travail sur le chantier

   - dimanche après-midi : repos

  - lundi soir : réunion à partir de 18 heures. Commentaires sur le travail effectué le week-end précédent et après approbation, signature des feuilles de relevés d'heures totalisées par chaque Castor,  répartition des tâches assumées à chacun pour le week-end suivant afin d'éviter toute perte de temps sur le terrain

   - Sauf rares exceptions, toutes les autres soirées de la semaine sont libres de toute activité afin de permettre aux Castors d'appartenir le plus possible à leurs familles.

Il est bien entendu que durant 2 ans, les trois semaines de vacances sont employées à temps complet."

 

L'hiver 1959 voit les premiers coups de pioche de "ces gars" que leur travail habituel a mal préparé à ce genre d'exercices. Le crayon du dessinateur, le porte-plume du bureaucrate, les manivelles du tour sont loin et se métamorphosent en pelles, en machines à parpaings, en kilomètres de fer à béton... 

 

Détail de l'avancement des travaux de gros oeuvre. 

Période Tâches accomplies
Octobre 1959 Mise en place des clôtures du terrain et aménagement d'un local réservé au gardiennage du terrain par un castor et sa famille
Novembre - Décembre 1959 Terrassement des fondations. Récupération des moellons à l'usine pour stockage sur le terrain en prévision des murs de clôture définitifs
Janvier 1960 Aménagement d'un hangar pour stockage des matériaux. Mise en route de la fabrication des parpaings
Mars 1960 Premières fondations coulées. Fabrication de parpaings
Avril 1960 Dernières fondations coulées
26 mai 1960 Ascension.  Les premiers sous-sols sortent de terre
Juin - Juillet 1960 Montée des sous-sols suivants et pose des planchers
Août 1960 Pose des briques pour premier étage
Septembre 1960 Suite pose des briques et coulées des premiers linteaux
Octobre 1960 Pose des dernières briques, coulées de linteaux et pose des premiers planchers supérieurs
Novembre 1960 Coulée des derniers linteaux, suite pose des planchers supérieurs
Décembre 1960 Pose des derniers planchers supérieurs
Janvier 1961 Pose des charpentes et première couverture

Ce sera ensuite le travail ingrat des plâtres, et de toutes ces finitions qui semblent ne jamais finir !

Le travail initialement estimé à 2 200 heures par Castor atteint, une fois le Castor installé chez lui,

près de 4 000 heures. 

"Le 30 octobre 1963, aux alentours du 42, avenue du Général de Gaulle, vers 17 heures, un attroupement s'est formé. Des rubans tricolores flottent, joyeusement .. On inaugure !"  

 

La petite avenue (80 mètres) est baptisée
            "avenue Paul Delorme".

 

M. Le Préfet de Seine-et-Oise, M. le Sous-Préfet de Corbeil, M. Jean Delorme, fils de M. Paul Delorme et Président Directeur de L'Air Liquide, M. le Président des Castors de Seine-et-Oise, M. Pierre Boyer, Maire du Plessis-Trévise sont venus couper le symbolique ruban tricolore.

De nombreuses personnalités de L'Air Liquide, des amis, des collègues de travail apportent leur marque d'admiration et leur amitié.

Tous se retouveront ensuite à la salle des Fêtes du Plessis-Trévise, autour d'une grande table pour un verre de champagne, afin de fêter dignement cet événement.

 

Pour information : Paul Delorme (1868-1956) est l’homme qui a mis au point avec son ami Georges Claude, le procédé de liquéfaction de l’air afin d’en séparer les composants. Premières gouttes d’air liquide et création de la société du même nom, le 8 novembre 1902. Paul Delorme en sera le premier président et le restera jusqu’en 1945. Son fils Jean en assumera ensuite la responsabilité.

Extrait de l'article publié à cette occasion dans le bulletin municipal de décembre 1963 :

« Voici une route toute nouvelle, un alignement impeccable de bordures retenant un trottoir couleur de feu. Et le regard se lève sur huit pavillons flambant neuf, huit pavillons classiques et coquets à souhait, huit pavillons frères de dimensions et de formes, mais cousins seulement par leur note d'originalité : revêtements colorés, rampes d'escalier, clôtures apportent une individualité à cet ensemble.

Il s'agit d'une opération «Castors ». 

Extrait du Bulletin d'informations AIR LIQUIDE - Détente n°57 - 12ème année - Mars/Avril 1961.

par Pierre Carlier.

 

"Quoiqu'il soit encore trop tôt pour établir un bilan exact, les prévisions font apparaitre pour une gestion saine, une économie minimum de 35 à 40% sur la valeur des pavillons. Résultat appréciable.

Pour l'atteindre des hommes emploient leurs loisirs à pratiquer un second métier. Le Castor n'est pas seulement un ouvrier de complément, il est maître d'œuvre puisqu'il étudie le plan de sa maison, procède à des achats de terrain et de matériaux, discute un régime de financement et passe des contrats. Ce n'est plus un exécutant, un constructeur de second ordre, mais un homme dont l'esprit d'initiative, le sens critique, la volonté réfléchie concourent à l'abaissement du coût de la construction dont le taux reste un souci primordial pour ceux qui ont la charge de loger convenablement leur famille. Entraîné au départ par d'impérieuses nécessités matérielles, le Castor atteint peu à peu la pleine maîtrise des facultés qui sommeillaient en lui : l'obligation d'acquérir de nouvelles compétences, organise son intelligence, sa participation à un travail d'équipe, développe son esprit de solidarité. Autant de Castors, autant de personnalités qui s'épanouissent pour le plus grand profit de l'individu et du pays.

Souhaitons apprendre prochainement que leurs efforts les ont conduits à prendre possession de la maison de leurs rêves et à goûter un repos bien gagné. Souhaitons aussi qu'ils continuent à trouver autour d'eux à tous les échelons, l'aide matérielle et morale qui leur a permis de surmonter de nombreuses difficultés".

Coup de chapeau !

Quelle belle somme de volonté hors du commun, d'esprit d'équipe, de camaraderie, et de renoncements ! »

 

« L'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle. » dira Saint-Exupéry.   

Version imprimable | Plan du site
© 2015-2025 SHPT - Mémoire-du-Plessis-Trévise.fr