Le 27 décembre 1797, l’Etat procède à la mise en vente des terres et du château de Lalande, réquisitionnés en tant que domaine national après avoir appartenus au Prince de Conti.
Dans l’acte d’adjudication, il est fait mention « d’une pièce de terre tenant d’un côté au levant du chemin de Villiers à Combeau (sic), de l’autre vers le couchant du chemin de Villiers à la Queue, d’un bout aux murs de Lalande et d’autre bout en hache à plusieurs ».
Il est également notifié que le citoyen Jacquemard loue une partie des terres et que la vente effectuée, il lui restera encore deux récoltes à faire, ce qui laisse envisager la présence d’une ferme à cet endroit.
La carte de Cassini de 1730 nous le confirme.
Nul doute qu’il s’agit là de la parcelle qui contenait l’Ile Caroline sur laquelle a été construite, en 1967, la résidence éponyme. Ne lit-on pas d’ailleurs « qu’elle est traversée aux deux tiers de sa longueur par une plantation d’ormes de forme octogone au milieu de laquelle est une pièce d’eau de même figure ».
Rappelons également que l'ile Caroline constitue une des extrémités du 'Grand Canal.
En 1924, cette ferme est établie entre l’avenue de la Maréchale, l’avenue Caroline (devenue avenue Georges Foureau) et l’avenue du Tramway. Elle appartient à Jules Widmer, directeur de la société Maggi « Bouillon Kub ». D’origine suisse-allemande, il nous est décrit comme un homme autoritaire, robuste, grand, sec, aux yeux bleus, aux cheveux et moustache blancs. Il porte, comme tous ses subordonnés, le costume de coutil gris qui est l’uniforme des cadres de son entreprise.
La ferme est une exploitation familiale où une dizaine de personnes s’y affairent. Jules Widmer mènera, conjointement avec son activité de cadre dirigeant, la ferme dont la production est essentiellement tournée vers l’élevage.
Un témoin nous rapporte que « Chaque soir, Vérona, la laitière ramène de l’étable un grand seau de lait fraichement tiré par les vachers. Elle le pose sur la table et découvre le lait protégé d’un tulle pour servir les clients venus des alentours. Quand tout à coup, un grand coup de klaxon retentit. Vérona se précipite, et dans un concert d’aboiements provenant du chenil proche, elle ouvre le portail. Les chiens ont reniflé l’arrivée du maître. Le chauffeur en livrée et casquette à visière arrête le véhicule pour que le directeur en descende comme chaque soir. Un coup d’œil circulaire sur l’exploitation et d’un seul regard il a tout vu. Chacun accourt. Il donne quelques ordres, puis se dirige vers la niche de son Saint-Bernard qu’il flatte affectueusement. Il repartira le lendemain matin à six heures».
L’été, encore plus que de coutume, Jules Widmer n’hésite pas à prêter main forte au moment des foins et des moissons sans quitter pour autant le costume de coutil gris qui semble faire partie de son personnage.
La ferme sera reprise après la seconde Guerre Mondiale et poursuivra son activité jusqu’en 1967, date à laquelle elle sera acquise par un promoteur immobilier. Sa fille, Juliette Thérisod a longtemps tenu l’hôtel-restaurant du Faisan Doré situé à peu près à l’emplacement de la station à essence du centre ville.
Aujourdh'ui la ferme a laissé sa place à une résidence constituée de petits immeubles collectifs et qui porte le nom de "Résidence Ile Caroline".
Quant au nom de Caroline, certains en ont fait la réminiscence de Coraline née Véronèse, épouse de cœur du prince de Conti, pour laquelle il avait acquis le château de La Lande et son parc. Or, la première évocation qui en est faite est celle de la marquise de Latour Maubourg, petite-fille du maréchal Mortier, ce qui semble davantage attester l’attribution du nom de ce lieu à Caroline, fille aînée du Maréchal Mortier, née peu de temps avant l’acquisition du domaine de La Lande par son père : "Invariablement, arrivés à la maison de Bertaut, nous demandions à aller à l'Ile Caroline [...] La maison de Bertaut servait de tourne-bride aux voitures des visites des environs. Il y avait des écuries, une grange simulant une chapelle au dehors et des dépendances. De là, nous passions à la faisanderie et je savais l'endroit par derrière où se trouvait le robinet pour faire aller les petits jets d'eau dans les cages de la volière."