A la fin du 19e siècle, l’engouement pour l’aviation naissante fait la une des quotidiens et voit la création d’une presse spécialisée, publiant de nombreux articles consacrés aux prouesses des hommes et des machines. Les ascensions en ballon dirigeable, entre autres, suscitent particulièrement l’intérêt du public.
La revue « L’aéronaute » d’octobre 1882, relate un pittoresque fait divers dont le territoire de la commune sera bien involontairement le témoin :
« Le 15 août 1882, M. Mallet a fait à Pantin (Seine) une ascension par une pluie battante constante. Le départ a eu lieu à 6 h 35 dans la nacelle du ballon « le Crespin » depuis la cour de la mairie. Après avoir observé un arc-en-ciel circulaire, M. Mallet a atterri auprès d’un bois, sur le territoire de Plessis-Trévise. Le trajet de 30 km environ avait été effectué en 20 minutes ».
D'anciennes cartes postales présentent des survols de Villiers-sur-Marne par différents aérostats comme
Le République ou Le Clément-Bayard.
La technologie fait son chemin et au début du 20e siècle, les aéroplanes motorisés sont de mieux en mieux maitrisés. Innovations techniques, exploits humains se succèdent.
En 1909, Louis Blériot traverse la Manche. En septembre 1913, Roland Garros traverse la Méditerranée à bord d’un monoplan Morane-Saulnier. C’est à qui volera plus haut, plus loin, plus vite.
A cette même époque, la Plaine des Bordes, largement ouverte au sein d’une zone boisée, semble être le témoin de meetings où s’affrontent, au-dessus du village du Plessis-Trévise, d’audacieux fous volants dans leurs drôles de machines. Des cartes postales, datées du 22 août 1913, nous montrent l’atterrissage d’un biplan piloté par Robert Le Fort, le lieutenant Happe et son mécanicien Lelen, sous les yeux de nombreux plessissois intrigués par cet étonnant engin volant.
On imagine fort bien le photographe Six, auteur de ces prises de vues, se précipitant depuis son domicile tout proche, situé avenue de Coeuilly, afin d’immortaliser l’évènement, sa volumineuse chambre à soufflet en bois verni et son lourd trépied sur l’épaule ou sur le porte-bagage de son vélocipède. Ce vendredi, les ouvriers et ouvrières de la Manufacture de Faux-cols ont eu la permission de laisser quelques temps leur travail. L’instituteur M. Coulomb a donné quartier libre aux écoliers. Tous, garde-champêtre en tête, ont abandonné fébrilement leur activité, ne voulant, en aucun cas, rater une manifestation si exceptionnelle.
D’autres démonstrations auront lieu dans le ciel du Plessis, quelques semaines plus tard : le 14 septembre, un témoin relate au dos d’une photo jaunie : « Nous avons été voir partir ce beau biplan dès l’aube, à 4 heures du matin... Deux hommes retiennent l’avion pendant que le mécanicien Happe monte sur l’appareil qu’il vient de mettre en mouvement » puis, sur une autre carte-photo « Le 22 septembre 1913, le lieutenant Happe et son mécanicien Lelen viennent d’atterrir. Ils vérifient les commandes avant le décollage prévu le lendemain à
5 heures 1/2 du matin ».
Le lieutenant Maurice Happe a été une des plus brillantes figures de l’aviation de guerre. Le 21 juin 1912, il passe avec succès, les épreuves du brevet de pilote d’aéroplane, aux commandes d’un biplan Maurice Farman. Puis, c’est avec le même succès qu’il obtiendra l’année suivante, le 13 février 1913, le brevet de pilote militaire. Il restera fidèle aux biplans Maurice Farman durant de nombreuses années. On a tout lieu de penser que c’est avec un de ces biplans qu’il a effectué ces démonstrations et entraînements dans le ciel du Plessis-Trévise. Pour confirmation, l'avion figurant sur la carte postale du 22 août 1913, porte à l'arrière de son fuselage l'inscription "MF 55".
La première guerre mondiale approche à grands pas. Nommé capitaine, le 1er novembre 1914, Maurice Happe s’illustrera, seul ou en compagnie de son fidèle mécanicien Lelen, lors de missions périlleuses qui lui vaudront la célébrité et le surnom de « Diable Rouge » mais aussi la Croix de Guerre avec palme et la Croix d’officier de la Légion d’honneur.
Avec son frère Henry, Maurice Farman a disputé le record du monde de vitesse sur tandem dès 1894. En 1895, les deux frères décrochent le record du monde de vitesse de l’heure. Sur une triplette (trois places), les frères Farman remportent en 1896 plusieurs records et accumulent des gains substantiels. Les frères Farman s’engagent en 1901 sur la course automobiles Paris – Berlin dans laquelle Henry finira 3ème. En 1902, sur la course Paris – Vienne, Henry Farman sur Darracq, sera devancer par Louis Renault. Rappelons que Gustave Dupont, constructeur des automobiles "Libéria" et premier maire du Plessis-Trévise, était également engagé dans cette course Paris-Vienne.
Tandis qu’Henry poursuit une belle carrière sportive en course automobile, Maurice découvre les plaisirs de l’aérostation qu’il décrit dans un livre « Les merveilles aériennes » et « 30 000 km en ballon ». C’est lui qui initie son frère Henry à l’aviation. En janvier 1909, l’Aéro-Club de France lui décernera le brevet de pilote n° 6.
Quelques années plus tard, Olga Lemaire se souvient :
« J’ai connu un baptême de l’air au Plessis dans la plaine en face de chez Pentray, avenue du Bois l’Abbé. Les volontaires ne se bousculaient pas. Je me suis dite : je ne vais tout de même pas monter dans un tel engin ! Le pilote m’a convaincu. Il n’y avait qu’une seule place à côté de lui, rien au-dessus de la tête, le nez au vent… La peur me prit au vrombissement du moteur. Trop tard pour les regrets. Je me mis à crier quand il entama un looping. Je lui crispais le bras .Il se mit à descendre en rase-motte, je voyais des gens à plat ventre. Enfin ! il fit un atterrissage très chaotique dans un champ rempli d’ornières, mon cœur battait la chamade … »
Ces démonstrations n’étaient pas pour plaire aux fermiers des environs qui craignaient fort le saccage de leurs champs de blé. Les troupeaux de vaches et moutons n’en étaient pas moins effrayés par ces vols à basse altitude.
La plaine des Bordes jouxte l’immense parc du château de Bois-Lacroix, en limite du PlessisTrévise, alors propriété du romancier Georges Ohnet. Sa fille, Claire, est l’épouse de Lucien Morane, frère des célèbres pionniers de l’aviation française. Ces derniers n’hésitaient pas à poser leur fidèle aéroplane « Parasol » dans la clairière du château. Gageons que cette proximité n’est pas étrangère à cette activité si insolite dans le ciel du Plessis-Trévise.
Robert et Léon Morane devant leur avion "parasol" en compagnie de leurs parents. Georges Ohnet est accroupi, à gauche, sous l'avion. Cette photo a été située, à l'origine, dans la clairière du parc de Bois-Lacroix. Cependant, la
proximité des cultures, l'aspect sauvage du sol, laissent à penser que le cliché pourrait fort bien avoir été pris au sein
de la Plaine des Bordes ou même de celle de Saint-Antoine...