En parcourant le chemin piétonnier longeant Pontault-Combault, bon nombre de promeneurs s’interrogent en apercevant un mystérieux château, enfoui dans un écrin de verdure. Une majestueuse entrée en ferronnerie prolongée d’imposantes dépendances en pierres meulières, interpelle (cf. bandeau de cette page).
Dans son ouvrage «Trois paroisses de la Brie française: Pontault, Berchères, Combault», Edouard Lebeau rapporte : «Aux confins Est du domaine de La Lande (commune du Plessis-Trévise), qui appartint, au début du XIXe siècle, au maréchal Mortier, en bordure du chemin rural de La Queue-en-Brie à Gournay, a été construit, aux environs de 1870, au lieudit Bois-la-Croix, un modeste cottage. Le propriétaire d'alors (Jean Badeuil, négociant en vins parisien) fit, plus tard, édifier non loin de là, une nouvelle demeure qui prit l'allure d'un véritable château».
Les recensements de 1876 à 1901 attestent de la présence à Bois - Lacroix de Jean Badeuil et de son épouse Adèle Couturier de 18 ans sa cadette qu'il a épousé en 1876 à Paris. Ils ont une fille Berthe Marie Geneniève.
Sur les immenses cheminées du bâtiment, les initiales en fer forgé "JB", témoignent encore de nos jours de sa possession par Jean Badeuil.
Adèle décède le 25 janvier 1902 à l'âge de 53 ans à Bois Lacroix suivi un an plus tard, le 7 févier 1903, de Jean Badeuil, alors agé de 74 ans, laissant la construction inachevée.
Le 24 juillet 1903, la propriété est mise en vente aux enchères au TPI de Melun, par Berthe Marie Badeuil leur fille. Cette dernière réside alors dans la Manche.
Le romancier Georges Ohnet en fait l'acquisition pour un montant de 142 000 francs qu'il règlera en 3 fois dans les mois suivants.
Il entreprend des embellissements considérables du château tant extérieurs qu’intérieurs, dans un style s’inspirant de la Renaissance, selon la mode de l’époque. A la bâtisse, il fait, entre autres, élever la tour à toiture en dôme, sur la façade droite, pour y installer son bureau. Dans le parc, il fait déplacer l’étang et édifier plusieurs abris en des endroits qu'il affectionnait le plus, recherchant tranquillité et calme, propices à l’inspiration. Le temps, grand destructeur a eu raison de ces lieux de retraite où sont nés la plupart de ses romans du 20e siècle.
En 1909/1910, il achète des terrains et bois environnants situés sur la commune de Pontault-Combault pour la somme de 150 000 francs environ. Sa propriété s'étend alors jusqu'à la ferme de Combault (actuelle mairie de Pontault-Combault) et correspond peu ou prou à l'actuel "Village Anglais". L'ensemble représente environ 83 hectares.
Qui connaît encore aujourd'hui Georges Ohnet ?
Son œuvre abondante semble désormais vouée à l'oubli. Connu également sous le pseudonyme de Georges Hénot, acronyme de son nom, Georges OHNET est né le 3 avril 1848 à Paris. Il est le fils de l'architecte renommé Léon Ohnet et petit-fils de l’éminent docteur psychiatre Esprit Blanche.
Il débute sa vie professionnelle dans le journalisme en collaborant notamment au Pays et au Constitutionnel. Ses premières œuvres littéraires, en 1875 et 1877, sont deux pièces de théâtre qui ne connurent pas un réel succès. Il publie ensuite de nombreux romans. Il fut, entre autres, l’auteur de la série intitulée Les batailles de la vie dont les titres Le Maître de forges et La Grande Marnière connurent un très grand succès, non seulement en France mais aussi à l’étranger, notamment en Espagne. Plusieurs de ses romans furent adaptés au théâtre. Ce succès lui valut d’être nommé Chevalier de la Légion d’Honneur le 11 juillet 1885, insignes qui lui furent remises par l’écrivain Camille Doucet, secrétaire perpétuel de l’Académie française.
Utilisant les recettes du mélodrame et du feuilleton, il fut un historiographe de la bourgeoisie française du XIXe siècle. En 1896, le guide Paris-Parisien le considérait comme « le romancier favori de la bourgeoisie ». Malgré cela ou à cause de cela, il fut l’objet de virulentes critiques et de nombreuses jalousies dans le monde littéraire, tout particulièrement de la part d’Anatole France, de Jules Lemaître, ou encore de Maurice Donnay. Il ne semble pas que le romancier ait attaché une importance extraordinaire à tout cela.
Dans l’un de ses derniers ouvrages : Journal d’un bourgeois de Paris pendant la guerre de 1914, il rend même hommage à la clairvoyance patriotique d’un polémiste fougueux Léon Daudet qui ne l’avait pas littérairement ménagé. Dans ce même journal, Georges Ohnet s’élève, un peu à l’avance, contre le sort que vont sans doute faire subir à sa propriété de Bois-Lacroix, les quelques centaines de terrassiers travaillant à la défense de Paris dont l’arrivée lui est annoncée. Ses craintes ne seront pas, pour cette fois, justifiées.
Toujours dans ce même ouvrage, il y commente la chasse dans les bois et terres environnantes : « Petit à petit, sous couleur de protection des récoltes, on s’est mis à chasser, et le dimanche c’est tout autour de Paris, en Seine-et-Oise et en Seine-et-Marne, une pétarade qui fait croire à un retour offensif des Allemands. Ce ne sont que les lièvres, les lapins et les faisans qui passent de mauvais moments… »
Georges Ohnet décède à Paris, le 5 mai 1918.
Il était alors président de la Société des Auteurs dramatiques et ancien membre du Comité de la Société des Gens de lettres. Ses obsèques seront célébrés le 9 mai 1918, sans fleurs ni couronnes selon son souhait. Une foule très nombreuse de personnalités lui rendra un dernier hommage. Il sera inhumé au cimetière Montmartre.
Spn épouse née Jeanne Marie Marguerite Schaeffer, était décédée en 1916, deux années auparavant.
Son fils Léon étant décédé accidentellement en 1903 à l’âge de 24 ans (l’année de l’acquisition de Bois-Lacroix), il laisse à sa fille Claire un héritage estimé à 15 millions de francs, comprenant, entre autres, l’hôtel particulier de l’avenue de Trudaine à Paris et l’immense domaine de Bois-Lacroix. Il est à noter que la propriété englobait également à cette époque la ferme du château de Combault (actuelles dépendances – médiathèque autour de la mairie de Pontault-Combault). Il semble que le château de Bondons et son parc de 7 ha situés à La Ferté-sous-Jouarre, en Seine & Marne, dont Georges Ohnet était propriétaire, aient été vendus afin d’acquérir Bois-Lacroix. Dans Le journal d’un bourgeois de Paris pendant la guerre de 1914, Ohnet écrit : « A la bataille de la Marne, l’armée anglaise fit brillamment sa partie, à La Ferté-sous-Jouarre. Les batteries installées dans les bois des Abymes où j’ai tant chassé pendant dix-huit ans, bombardaient les hauteurs de l’autre côté de la Marne … »
Claire Ohnet est née à Paris en 1881. En 1901, elle épouse Lucien Morane, ingénieur des Arts et Manufactures, gérant de la société de construction mécanique Morane Jeune et Cie. De cette union naitront deux fils : Roger (né en 1902 à Paris) puis Jean (né en 1909 également à Paris).
Lucien a deux frères, Léon et Robert, qui deviendront les illustres pionniers de l’aéronautique. Léon a été, en 1910, le premier homme au monde à avoir dépassé les 100 km/heure sur avion Blériot. Peu après, il s’adjuge le record de l’homme volant le plus haut, à 2680 mètres d’altitude. Non content d’avoir entrainé son frère Robert dans les airs, cette même année, il fonde avec lui et Raymond Saulnier, la société aéronautique Morane-Saulnier. C’est au sein de cette société que sera construit en 1913, le célèbre monoplan type «Parasol» que les frères Morane ne manqueront pas d’étrenner au domaine de Bois-Lacroix tel que nous le montre un cliché familial pris devant l’avion en compagnie de Georges Ohnet. Les vastes espaces dégagés autour du château l'ont-ils été pour permettre ces atterissages ? Cette même année 1913, des cartes postales et photos témoignent d’atterrissages, semble-t-il, dans la plaine des Bordes jouxtant le parc de Bois-Lacroix (voir article "Entre ciel et terre"). Gageons que la présence de la famille Morane n’est pas étrangère à ces démonstrations !
Après le décès de Lucien Morane (en juin 1930) et de Claire Ohnet (en juin 1967), le domaine revient à leur fils Jean Morane qui en restera propriétaire jusqu’en 1972. Robert, son frère ainé, était décédé en 1960.
En 1971, un contrat de vente est passé entre la SCI Bois Lacroix et le PDG de la société EGTP (Etude Gestion et Travaux de Paris). L'objectif est de constituer un ensemble immobilier composé de maisons individuelles et collectives, destinées à être vendues et placées en co-propriété. L'ensemble s'étend sur environ 83 hectares et comprend le chateau et son parc. Le montant de la transaction s'élève à 6, 4 millions de francs de l'époque.
EGTP fera faillite et sera remplacé par Bréguet Constructions pour achever les programmes de constructions.
Le château et une partie du parc seront conservés, réaménagés, restaurés. Ils sont aujourd’hui la copropriété des habitants des lotissements environnants.
Le château, fut géré par une association qui en fit son lieu d'activité pour une dizaine d'associations de Pontault-Combault. Il entrouvrait très régulièrement ses volets à un public restreint pour des réceptions ou expositions.
Le château a été fermé en 2018 sur décision administrative pour non conformité à un lieu accueillant du public. Des travaux importants vont être engagés dans les prochains mois et sa réouverture est prévue courant 2020.
Quant au magnifique parc, il reste un lieu privilégié réservé à ses copropriétaires.
L’histoire de ce château est étroitement liée à la commune du Plessis-Trévise.
Les employés de maison, gardes, jardiniers étaient plesséens. Les commandes alimentaires étaient passées auprès des commerçants du village : le boucher Bodereau, le charcutier Petit ainsi que le porteur de pain du boulanger Loup, la laitière de la ferme de la place Gambetta, témoignent y avoir effectué régulièrement des livraisons en empruntant la porte de service au bout de l’avenue Gonzalve.
Tant et si bien que toutes les cartes postales illustrant le château de Bois-Lacroix sont domiciliées au Plessis-Trévise. Ainsi, dans la mémoire collective, un devoir d’écolière décrivant la vie au Plessis-Trévise en 1944, rédigé sous la directive de Mme Salmon, affirme « Toujours enfoui dans la verdure, se trouve un château qui est maintenant sur la commune de Combault. En 1907 ce territoire appartenait au Plessis-Trévise... ».
Partageons donc, en voisins, tout au moins visuellement, cette belle demeure...