Carnet de voyage d’Alice   *(1)

 

Vendredi 21 avril 1905

 

 

Mon oncle, Jean-Auguste, m’avait invité à passer les fêtes de Pâques à Plessis-Trévise où il possédait une grande propriété. J’avais accepté car j’aimais bien voyager et découvrir de nouveaux endroits. Il m’avait indiqué dans sa lettre que c’était proche de Paris, notre capitale. Venant du Poitou, j’ai donc fait un long voyage avec le chemin de fer à vapeur avant d’arriver à la gare de Villiers-sur-Marne où m’attendait Clément, son cocher. Celui-ci m’expliqua que la propriété n’était qu’à quelques kilomètres de là et il chargea ma malle à l’arrière de la calèche.

Peu après avoir quitté la gare, nous empruntons un chemin de terre bordé d’arbres. Le paysage ressemblait à la campagne que j’avais quittée de nombreuses heures plus tôt. Puis, nous abordons une grande côte, route de La Queue, je crois me rappeler. A mi-côte, le paysage commença à changer avec l’apparition de constructions sur la gauche. Quelques personnes discutaient à l’angle d’une rue, devant un portail surmonté de diverses inscriptions « Aux Mousquetaires », « Vente de terrains par lots », « Menuiserie Girod ». Derrière la haie, il me sembla distinguer une auberge au milieu de grands marronniers. Clément me dit que nous étions maintenant au village du Plessis.

Nous passons devant la terrasse d’un joli cabaret. Des familles sont attablées, des enfants jouent sur la route, des charrettes à ânes sont prêtes à partir en promenade. Puis, nous arrivons sur une petite place avec un réverbère au centre. Sur la droite, les bois de Coeuilly et un café-tabac « A la civette » sur le mur duquel on peut lire une drôle d’inscription « Ici on est bien à Coeuilly ». C’est à double sens me dit Clément en riant. En face, une auberge-pension de famille « Au châlet du parc » de jolies dames chapeautées flânent à la terrasse, de la musique venant d’un piano mécanique s’en échappe, des bicyclettes sont adossées à la haie, des enfants sont montés sur des poneys, un jeu de grenouille… Que l’endroit doit être amusant ! Je demanderai à mon oncle de m’y emmener.

Clément engage alors l’attelage sur le gauche et bientôt apparait une très haute grille en fer forgé derrière laquelle se dresse une majestueuse demeure. Mon guide s’arrêta quelques instants et m’apprit qu’il s’agissait du Château de la Lande qui fut la résidence d’un maréchal d’Empire, que ce château avait encore ses douves et un grand parc, que de là partait un canal qui traversait pratiquement tout le village. A l’opposé de la grille, une magnifique allée, bordée d’arbres, s’offrait à nous. On y voyait même une grande mare. Clément me rapporta qu’un ténor renommé avait habité le château et que le quartier portait maintenant son nom « le Val Roger ». Passé de longs bâtiments, dépendances du château, on apercevait les deux petites tours d’une demeure au sein d’un immense parc. On l’appelle le « Château des Tourelles » me dit Clément. Je commençais à être piquée par la curiosité et je me promis de demander davantage d’explications à mon oncle.

Nous fîmes alors demi-tour pour reprendre notre chemin par la route de La Queue. Nous passons devant l’avenue du tramway qui, parait-il, ne vit jamais passer un tramway ! Clément s’arrêta un peu plus loin pour me montrer une jolie place ombragée, bordée de quelques commerces. C’est le rond-point des Marronniers, me dit-il. Des ménagères, panier à la main, semblaient chuchoter les derniers potins devant une boucherie pendant que des enfants jouaient, sagement assis sur l’herbe de la place. Au détour d’un virage, j’aperçus un charmant étang avec des pêcheurs : il s’agit de l’Ile Caroline, me dit Clément. 

Nous arrivons sur une longue place. Un groupe de femmes s’activaient devant l’entrée de petites bâtisses. Renseignements pris, il s’agissait de blanchisseuses travaillant à la Manufacture des Faux-cols. En nous retournant, nous pouvions apercevoir l’autre face du Château de La Lande. A l'angle de la place, une certaine animation régnait autour d’une belle maison. J’appris que c’était l’hôtel-restaurant du Faisan Doré, dont la cuisine était très renommée et que bon nombre de parisiens y venaient à la belle saison, déguster son savoureux coq au vin.

Il se faisait tard, mon oncle m’attendait. Malgré ma curiosité, je remontais dans la calèche pour emprunter l’avenue Gonzalve. C’était une rue très animée avec des boutiques, un bureau de tabac, et des débits de boissons entourés de verdure. Des diligences étaient à l’arrêt. Des enfants en tabliers noirs et bérets étaient réunis devant un grand bâtiment. Clément me dit que c’était l’école du Plessis et aussi la mairie et la poste et télégraphe. 

Tout au long de l’avenue, quelques belles villas apparaissaient ça et là au milieu de grands parcs boisés. La calèche arriva devant une petite place plantée d’arbres où paissaient quelques vaches qui devaient venir de la ferme d’à côté. Des personnes bavardaient devant un café, peut-être attendaient-elles la diligence pour la gare de Villiers ? Clément me dit qu’il s’agissait là de la place de l’Eglise, même si, de toute évidence, elle n’y avait pas été construite !

Que de mystères dans ce si charmant et verdoyant village ! De belles vacances s’annonçaient pour moi. 

Nous atteignîmes bientôt la villa. Je brûlais d’envie de voir mon oncle pour qu’il me raconte de façon détaillée l’histoire de Plessis-Trévise…

 * (1) "Carnet de voyage d'Alice" est un récit purement imaginaire se déroulant au début du 20ème siècle au Plessis-Trévise. Les décors comme les évènements décrits ont été transcrits à partir de notre patrimoine photographique et des témoignages de cette époque.

  

Re-faites le trajet avec quelques cartes postales de l'époque

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